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L'Imam Al-Hussayn et le Jour de 'Achourâ'

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  • L'Imam Al-Hussayn et le Jour de 'Achourâ'

    L'Imam Al-Hussayn et le Jour de 'Achourâ'
    Compilé et traduit en français par
    Abbas Ahmad al-Bostani

    ************************************


    Introduction du Traducteur
    Au Nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux.
    Qui dit 'Âchourâ', dit tragédie qui n'a cessé d'émouvoir et de plonger dans la douleur des millions de Musulmans depuis plus de treize siècles, et événement politique crucial qui a influé fortement sur le cheminement de l'expérience islamique.

    Tragédie, 'Âchourâ' est en effet le jour anniversaire de l'assassinat tragique du petit-fils chéri du Prophète, l'Imam al-Hussayn, et de quelques dizaines de ses compagnons et proches parents, massacrés en même temps que lui, sous les yeux de leurs femmes et de leurs enfants, sur une terre étrangère, après avoir subi un calvaire douloureux et effectué une marche pénible d'environ deux mille kilomètres, qui les a conduits de Médine (en Arabie) à Karbalâ' (en Irak).

    Evénement historique crucial, cette tragédie est l'aboutissement du soulèvement de l'Imam al-Hussayn, qui avait pour but de donner un coup d'arrêt à la légalisation et à la généralisation de la déviation du Message de l'Islam par les Omayyades, et notamment par Yazid qui avait placé son pouvoir personnel et ses vices au-dessus de tous les tabous islamique, et dont les soldats n'ont pas hésité, sur ses ordres, à sévir contre la ville du Prophète, Médine, en s'y livrant à un génocide barbare et à des viols collectifs(1), avant de marcher sur la Mecque, pour y détruire et incendier la Maison de Dieu, la Sainte Ka'ba. La place particulière qu'al-Hussayn occupait dans le coeur du Prophète et des Musulmans, le sacrifice inégalable qu'il a consenti pour défendre la cause sublime à laquelle il s'est identifié, les pratiques odieuses et la répression sanguinaire des autorités illégitimes qu'il a combattues, tous ces facteurs ont fait du soulèvement du petit-fils du Messager de Dieu, le symbole de la résistance à tous les pouvoirs tyranniques et déviationnistes, et l'inspirateur de maintes révoltes et révolutions que les masses musulmanes ont déclenchées depuis lors contre des gouvernants despotiques qui avaient tendance à faire passer le souci de la conservation du pouvoir ou "la raison d'Etat" avant la morale islamique et les préceptes de la Chari'a.

    Il est naturel dès lors que tous les régimes héréditaires - des Omayyades aux Ottomans en passant par les Abbassides - qui se sont imposés à la Umma depuis l'assassinat ignoble d'al-Hussayn aient tout fait pour que le récit de ce crime odieux (qu'aucun Musulman - y compris ses instigateurs - ne pouvait ne pas désapprouver) et de ce "Soulèvement noble et rayonnant", (qui ne saurait ne pas exalter l'élan révolutionnaire de tout musulman attaché aux valeurs sublimes de l'Islam authentique et originel, et de tout Musulman hostile à la déviation, à l'injustice et à la tyrannie) ne fût pas porté à la connaissance des masses, et qu'il n'occupât pas la place primordiale qui lui revient légitimement dans l'histoire du Message. C'est ce qui expliquerait sans doute pourquoi la tragédie d'al-Hussayn, les causes et les effets de son Soulèvement, qui n'ont jamais cessé d'émouvoir des dizaines de millions de Musulmans dans les quatre coins du monde, sont relativement ignorés ou partiellement et improprement connus par d'autres musulmans dans beaucoup de régions de la planète, et ce, bien que des dizaines de grands historiens, biographes et écrivains, anciens et contemporains - allant de l'imam Ahmad Ibn Hanbal à Abbas Mahmoud al-Aqqâd, d'Ibn Taymiyyeh à Mohammad Mahdi Chams el-Dine, d'Ibn Kathir à Aboul A'lâ al-Mawdoudî - se soient penchés sur le double aspect de ce sujet, les uns pour mettre en évidence l'atrocité de la tragédie, les autres pour souligner les différentes péripéties de l'événement historique.

    Consciente de l'importance du sujet de 'Âchourâ' dans l'histoire de l'Islam et dans le cheminement de l'expérience islamique, et par conséquent de son importance, pour tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à cette histoire, et constatant l'absence d'ouvrages en français le concernant, nous nous sommes proposé de préparer le présent livre à l'intention des lecteurs francophones.

    Mais il convient de noter tout de suite que ce modeste livre ne prétend ni restituer l'ensemble des éléments dramatiques de la tragédie pour susciter chez le lecteur l'émotion profonde que celle-ci suscite généralement chez tous ceux qui la connaissent dans ses moindres détails, ni rapporter toutes les péripéties du Soulèvement pour expliquer et justifier son importance dans l'histoire de l'Islam et dans l'esprit et le coeur des Musulmans. Ses auteurs ont seulement voulu décrire les lignes générales de la tragédie et brosser les grands traits de l'événement historique. Soucieux avant tout d'apporter au lecteur le plus possible d'éléments sur le double aspect du sujet, ils ont fait abstraction aussi bien de "l'art" de présenter une tragédie que des détails "techniques" chers à l'historien. Désireux de donner au lecteur une idée générale du "contenu", ils ne se sont pas attardés sur les détails formels des événements rapportés. Tout en prenant un soin particulier à vérifier l'authenticité et l'exactitude des faits historiques qu'ils mentionnent, et dont font part les principaux historiens et transmetteurs de Hadith, qui font autorité chez les différentes écoles et tendances juridico-religieuses musulmanes, ils se sont contentés de renvoyer le lecteur, le plus souvent à deux ou trois d'entre eux - tels Ibn Tâwûs, al-Cheikh al-Mufîd... etc. Ce choix d'un nombre limité de références n'est pas dicté par une préférence ou un parti pris pour celles-ci, mais parce que ces références répétées se chargent elles-mêmes d'énumérer les différentes sources historiques des faits, des Hadiths et des événements soulignés, et de démontrer leur authenticité ou leur bien fondé, ce qui permet aux auteurs de ce livre d'éviter des détails superflus et sans grand intérêt pour un lecteur désirant se faire avant tout une idée d'un sujet dont il n'aurait pas une grande connaissance.

    Quant à la traduction, elle a été soumise à ces mêmes préoccupations, c'est-à-dire celles de la primauté du "contenu" sur la "forme", de la clarté des textes sur leurs détails formels, chaque fois que cela était nécessaire. Aussi n'avons-nous pas hésité à supprimer des textes arabes des passages difficilement traduisibles en français ou incompréhensibles pour le lecteur français, lorsque nous estimions que de telles suppressions ne nuisaient pas au contenu et qu'elles facilitaient la lecture et la compréhension du récit.

    Abbas Ahmad al-Bostani


    ****************************
    Qui est l'Imam al-Hussayn?

    «Je ne me rendrai jamais à vous comme un soumis, ni ne me résignerai jamais comme un esclave».

    L'écho de ce cri de refus et de défi qu'a lancé l'Imam al-Hussayn, à la face de la puissance déviationniste omayyade avant de tomber en martyr, retentit encore dans la vallée de Tûfûf(2), comme il a toujours retenti dans les oreilles de toutes les générations qui se sont succédé depuis son assassinat. Il n'a cessé d'agiter toutes les phases de l'histoire, comme un tourbillon qui moissonne les tyrans, ou un volcan qui fait trembler les trônes des injustes, en réveillant toutes les consciences libres et en galvanisant l'esprit révolutionnaire et de jihad missionnaire chaque fois que la déviation et les forces du mal poussent à l'excès leur arrogance.

    Depuis son martyre, des millions et des millions de Musulmans se sont rendus à sa tombe pour se rappeler que la sauvegarde du Message et de la Sunna (la Tradition du Prophète) exige parfois le sacrifice de soi, même si l'on a toutes les possibilités de l'éviter.

    Aujourd'hui, cette tombe, transformée au fil des siècles en un site imposant de merveilles, dressant ses dômes et ses minarets dorés au centre de Karbalâ' (ville située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Bagdad) témoigne par sa splendeur de l'attachement profond et inébranlable des générations successives de Musulmans à cette personnalité islamique hors du commun, par le sens qu'il a su donner à son combat pour préserver l'Islam d'une déviation imminente.

    Au fil des siècles des écoles littéraires spécifiques se sont créées pour dépeindre les tableaux épiques du martyre d'al-Hussayn, et des milliers de littérateurs et des poètes ont consacré leurs plumes et leurs talents à l'évocation et à la de******************ion de sa tragédie, de son héroïsme et des moindres détails de sa noble vie.

    Aujourd'hui, on ne compte plus le nombre de révoltes, de soulèvements et de révolutions qui ont éclaté en ayant pour moteur et agent galvanisateur, la mémoire de la Révolution d'al-Hussayn, l'exemple de son sacrifice, de sa foi, et de ses principes.

    Quel est donc ce personnage qui a tant marqué l'histoire et les coeurs des musulmans, en général, et des adeptes des "Ahl-ul-Bayt"(3) en particulier? Pourquoi, des Musulmans légitimistes qui se disent avant tout attachés au Coran et à la Sunna du Prophète prennent-ils pour symbole de cet attachement, la personnalité et l'action de cette figure de proue de la légitimité en Islam, al-Hussayn, petit-fils du Prophète?

    1- Son appartenance familiale

    Al-Hussayn est le fils de l'Imam 'Ali Ibn Abi Tâlib, cousin et gendre du Prophète, et de la Dame Fatima al-Zahrâ, fille chérie du Prophète Muhammad et de la Dame Khadîjah al-Kubrâ. Il est le troisième Imam des Musulmans légitimistes (les Chiites imamites), après son père, l'Imam 'Ali Ibn Abi Tâlib (le lère Imam, et 4ème successeur officiel du Prophète), et son frère l'Imam al-Hassan (2ème Imam).

    Al-Hussayn est né à Médine, le 25 Cha'bân de l'an 4 de l'Hégire(4). La famille du Prophète l'a accueilli à sa naissance avec amour et tendresse, et c'est le Messager de Dieu, lui-même, qui lui donna le nom d'al-Hussayn(5).

    Al-Hussayn fut élevé et grandi dans le giron du Prophète, de l'Imam 'Ali et de Fâtimah al-Zahrâ.

    Il fut donc nourri de la morale prophétique et élevé selon les principes du Message islamique, les principes du Bon Droit, de la justice et de la dignité.

    2- Sa position auprès du Prophète et sa place dans la Sunna

    Fait significatif - lorsqu'on sait que la Sunna ou la Tradition consiste en les paroles, les gestes et le comportement du Prophète - le Messager de Dieu le couvrait publiquement de son amour et de sa tendresse, et le portait ainsi que son frère aîné, al-Hassan, contre sa poitrine en exprimant à haute voix, devant ses Compagnons, cet amour paternel généreux:

    «Ô mon Dieu! Je les aime et j'aime ceux qui les aiment».(6)

    La métaphore suivante en dit long sur l'amour que le Prophète éprouvait et exprimait pour ses deux petits-fils:

    «Mes deux fils(7) que voici sont mes deux basilics de ce bas-monde ». (8)

    Et les propos suivants ne laissent plus de doute sur la portée et la profondeur de cet amour:

    «Al-Hussayn fait partie de moi, et je fais partie d'al-Hussayn. Dieu aimera celui qui aura aimé al-Hussayn».(9)

    «Celui qui aime al-Hassan et al-Hussayn m'aura aimé, et celui qui les déteste, m'aura détesté».(10)

    Propos réitérés et confirmés à maintes autres occasions. Par exemple, lorsqu'un jour, le Prophète qui accomplissait sa prière, que al-Hassan et al-Hussayn se bousculaient sur son dos, en ces moments de recueillement, et que des gens vinrent les éloigner, dit:

    «Laissez-les... Par mon père et ma mère, celui qui m'aime, doit les aimer aussi».(11)

    Ou encore cette autre métaphore révélatrice et on ne peut plus claire, utilisée par le Prophète pour mettre en évidence la position prédestinée d'al-Hussayn auprès de Dieu:

    «Celui qui se réjouirait de voir un homme destiné au Paradis,(12) qu'il regarde al-Hussayn».(13)

    Ainsi, le Prophète a donc pris soin de faire connaître aux Musulmans le sort de martyr qui attendait al-Hussayn, dés son enfance et de désigner sa position privilégiée dans la Umma, pour que celle-ci ne pardonne jamais à quiconque aurait le malheur de devenir parmi les assassins de son bien-aimé.

    Les assassins d'al-Hussayn ne pourraient jamais prétexter l'oubli ou l'ignorance de ces paroles du Prophète pour qu'on puisse leur pardonner un jour, car le Prophète s'était attaché à les mettre suffisamment en évidence pour que de grandes figures de l'Islam, tels que Abou Bakr al-Çiddiq et Ibn 'Omar, trouvent toujours l'occasion de les répéter à l'intention des Musulmans. En effet c'est Abou Bakr qui a dit un jour:

    «J'ai entendu le Messager de Dieu dire: "Al-Hassan et al-Hussayn sont les deux Maîtres de la jeunesse du Paradis"».(14)

    Quant à Ibn 'Omar, c'est bien après l'assassina d'al-Hussayn qu'il rappela à des Irakiens venus lui poser un question canonique sur les moustiques, ce que le Prophète avait dit à propos de la position privilégiée qu'occupaient auprès de lui ses deux petits-fils: «Les Irakiens, dit-il, amer, m'interrogent sur les moustiques, alors qu'ils ont tué le fils de la fille du Messager de Dieu, lequel Messager avait dit "ce sont (al-Hassan et al-Hussayn) mes deux basilics(15) dans ce bas monde"».(16)

    Conscients de cette place de choix qu'al-Hussayn occupai dans le coeur et la pensée du Prophète et dans sa famille, les Musulmans ne pourront pas ne pas sentir qu'à travers son assassinat, c'était le sang du Prophète qui fut répandu si injustement et si tragiquement dans la terre de Karbalâ', comme nous le verrons plus loin. Ils ne cesseront jamais de penser à ce crime impardonnable perpétré contre la famille du Prophète ne pourra se réparer que par le rétablissement des principes l'Islam pour lesquels l'Imam al-Hussayn s'était soulevé, et p une révolte permanente contre ceux qui persistaient à dévier ces principes. De là les révolutions successives, dont ce d'al-Tawwâbine(17), contre le régime ommayyade, auteur ce crime. Le sang d'al-Hussayn sera ainsi le volcan qui ébranlera les piliers de l'Etat Omayyade et détruira son entité.

    Malgré toutes les tentatives perfides des Omayyades de justifier l'assassinat d'al-Hussayn et de déformer la noble cause pour laquelle il se battait, l'attachement des Musulmans au petit-fils du Prophète alla grandissant après son martyre. Car, comment auraient-ils pu se détacher de lui, s'ils voulaient rester attachés au Message de leur religion, alors qu'ils savaient que ce martyr faisait partie des Ahl-ul-Bayt (la famille du Prophète) que le Coran leur ordonne d'aimer:

    «Dis: " Je ne vous demande aucun salaire pour cela, si ce n'est votre affection envers les proches".(18) A celui qui accomplit une telle action, nous répondrons par quelque chose de plus beau encore». (Coran, XLII, 23);

    et dont il souligne la purification:

    «Ô vous, les gens de la Maison! Dieu veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement». (Coran, XXXIII, 33);

    et qu'il associe au Prophète:

    «Si quelqu'un te contredit après ce que tu as vécu en fait de science, dit: "Venez! Appelons nos fils(19) et vos fils, nos femmes et vos femmes, nous ferons alors une exécration réciproque en appelant une malédiction de Dieu sur les menteurs"». (Coran, III, 61)



    *****************************

  • #2
    اجركم الله لهذ النقل
    نتابعكم دائما
    انشاالله
    اخوكم كميل

    تعليق


    • #3
      شكرا اخي كمبيل
      في الواقع احببت ان اعرض سيرة الامام الحسين خاصة باللغة الفرنسية لقلة توفرها عادة للذين لا يمكنهم القراءة باللغة العربية .
      موضوع طويل لكنني ساعرضه على مراحل آمل ان يستفيدوا منها الاخوة والاخوات.
      تحياتي لك ...

      تعليق


      • #4
        Suite...

        Les Racines du Mal

        Après l'assassinat du troisième calife, 'Othman Ibn 'Affân, les Musulmans prêtèrent serment d'allégeance à l'Imam 'Ali et le désignèrent pour diriger les affaires de l'Etat. Toutefois, Mu'âwîyah Ibn Abi Sufiyân, gouverneur de Syrie refusa la désignation de l'Imam 'Ali et fit scission en se proclamant Calife de la Province de Syrie.

        Lorsqu'on se penche sur cette période difficile de l'histoire de l'Islam, on remarque que l'Imam 'Ali avait à faire face à trois blocs politiques:

        1- Le parti Omayyade, dirigé par Mu'âwîyah Ibn Abi Sufiyân.

        2- Le bloc des Khârijites (scissionnistes) qui firent sécession dans l'armée de l'Imam 'Ali après s'être révoltés contre lui.

        3- Le bloc de Â'ichah et de Talhah et al-Zubair Ibn al-'Awâm.

        Après une période de guerres et de conflits entre l'Imam 'Ali et ces partis, ce dernier a pu venir à bout du mouvement de de Â'ichah et de Talhah et al-Zubair lors de la célèbre bataille d'Al-Jamal qui s'est déroulée à Basrah. Il a pu vaincre également l'armée du Mu'awiyah dans la bataille de Çiffine qui a débouché sur un arbitrage et des négociations que l'Imam 'Ali a fini par refuser, ayant constaté que Mu'âwîyah avait bel et bien recouru à une ruse de guerre et à une machination politique visant à diviser son armée. En effet, une partie de cette armée avait refusé l'arbitrage et s'était mutinée. La mutinerie a conduit l'Imam 'Ali à livrer bataille aux sécessionnistes (la Bataille d'al-Nahrawân) qui furent vaincus et dispersés.

        Dans ce climat de confrontation, de guerres sanglantes et de conflits, un groupe de Khârijites ont élaboré un plan pour l'assassinat de Mu'âwîyah, de 'Amr Ibn al-'Âç et de 'Ali Ibn Abi Tâlib. Ils ont mis leur plan à exécution, pour ce qui concerne le dernier nommé. Ainsi, un jour, alors que l'Imam 'Ali faisait sa prière de l'Aube à la Mosquée de Kûfa, 'Abdul Rahmân Ibn Muljim le frappa d'un coup d'épée empoisonnée sur la tête. C'était le 19 Ramadân de l'an 40 Hégirien. Il mourra en martyr, après deux jours d'agonie, des suites de sa blessure, le 21 Ramadân. Avec cet assassinat la Umma perdit le plus cher de ses hommes, le modèle exemplaire de ses avant-gardes, le porte-drapeau des Musulmans.

        Après le martyre de cet homme politique et d'Etat, de cet homme de doctrine et de principes, l'équilibre social et politique du mouvement de la Umma et de sa pensée fut rompu, le Message commença à être vidé de son contenu, et la Tradition du Prophète et de ses successeurs, bafouée. Le "Califat Bien Dirigé"(20) qui présidait jusqu'alors à la destinée de la Umma et qui s'efforçait de maintenir et de poursuivre la Tradition du Prophète, s'éclipse et s'effondra sous les martellement des coups que lui assénaient des hommes avides de pouvoir personnel, pour céder la place au parti omayyade qui ne s'embarrassait de rien pour s'imposer aux Musulmans.

        Ainsi dès l'assassinat de l'Imam 'Ali, le gouverneur de Syrie, Mu'âwîyah, estima que le moment était venu pour étendre le champ de son Califat sécessionniste à tout le territoire de la Umma, en se proclamant cette fois-ci Calife de tous les Musulmans, et ce, bien qu'il sache, comme tous les Musulmans, que le Califat revenait à la personnalité prestigieuse que fut l'Imam al-Hassan, en raison de sa sainteté, de sa position politique et sociale élevée, de la grande estime en laquelle l'avait tenu le Prophète, du testament de son père l'Imam 'Ali, le désignant pour sa succession, et du serment d'allégeance que lui prêtèrent les Musulmans. Aussi, écrivit-il au Calife Bien-Dirigé légitime, l'Imam al-Hassan, pour le sommer d'abdiquer s'il ne voulait pas guerroyer.

        Al-Hassan n'était pas homme à céder au chantage. Sachant qu'il avait la légalité et la légitimité pour lui, il ne pouvait guère donner l'impression d'abdiquer de son plein gré. Les Musulmans lui ayant prêté serment d'allégeance, son devoir était d'assumer le Califat et ses responsabilités. Aussi mobilisa-t-il ses armées et engagea-t-il un combat acharné contre les dissidents que commandait Mu'âwîyah.

        Ce dernier, sachant qu'il ne pouvait pas compter seulement sur la force armée pour vaincre le Calife légitime, le petit-fils du Prophète, fidèle à lui-même et fort de l'expérience perfide qu'il avait acquise lorsqu'il se mutina contre la légitimité du quatrième successeur officiel du Prophète, l'Imam 'Ai, étala la carte maîtresse de sa stratégie: la ruse et la corruption. Il se mit à la recherche d'hommes et de commandants attachés aux artifices matériels de ce bas-monde, dans l'armée légitime de l'Imam al-Hassan. Il leur offrit pots-de-vin et commissions, et leur fit des promesses de promotion. Le virus de la corruption produisit ses effets vénéneux.

        Constatant que la trahison, les défections, la désinformation et la falsification des données de la situation, pourraient entraîner les Musulmans dans une guerre fratricide interminable, et soucieux de préserver l'unité de la Umma face aux menaces grandissantes de l'ennemi extérieur (les Romains), l'Imam al-Hassan décida d'arrêter l'effusion de sang, en attendant des jours meilleurs et des circonstances plus favorables et plus sereines pour rétablir la vérité, la légitimité et la légalité islamiques.

        Il accepta ainsi de conclure un traité de paix avec Mu'âwîyah, prévoyant le retour à la légalité après la mort de celui-ci, au respect des pre******************ions du Coran et de la Tradition du Prophète et de ses successeurs, les quatre Califes Bien Dirigés.(21) Le traité comportait grosso modo les clauses et les articles suivants:

        1- Al-Hassan fils de 'Ali, fils de Abou Tâlib, a accepté de se réconcilier avec Mu'âwîyah, fils de Abou Sufiyân, et de lui céder la Wilaya (la tutelle, la direction, le Califat) des Musulmans à condition que ce dernier les gouverne selon le Livre de Dieu, la Sunna du Prophète et la conduite des Califes "Bien-Dirigés et guidés dans le Droit Chemin", et qu'il ne désigne personne à sa succession.(22)

        2- Le Califat après Mu'âwîyah(23), reviendra à al-Hassan ou à son frère al-Hussayn s'il venait à lui arriver quelque chose.(24)

        3- Personne parmi les habitants de Médine, de Hejâz et d'Irak, n'a le droit de faire aucune réclamation concernant des faits accomplis(25) à l'époque du père d'al-Hassan (l'Imam 'Ali).(26)

        4- Les employés de Mu'âwîyah doivent s'abstenir d'injurier de leurs tribunes, l'Imam 'Ali.

        5- Tout le monde doit se sentir en sécurité où qu'il se trouve dans la terre de Dieu, Le Très-Haut.

        6- Mu'âwîyah n'a pas le droit de disposer des biens se trouvant dans la trésorerie de Kûfa. Ces biens doivent rester à la disposition de l'Imam al-Hassan.

        7- Mu'âwîyah ne doit pas faire montre de haine envers al-Hassan et son frère al-Hussayn, ni porter préjudice à leurs partisans, leurs adeptes, leurs biens, leurs enfants et leurs femmes.

        Ainsi le Califat Bien-Dirigé a pris fin avec cette cession du Califat de l'Imam al-Hassan Ibn 'Ali en faveur de Mu'âwîyah. A la suite de cet acte de cession, al-Hassan retourna à Médine, après s'être chargé des fardeaux du Califat pendant les six mois qui avaient suivi le martyre de son père, l'Imam 'Ali.

        Mais l'encre du Traité de réconciliation était à peine sèche, que Mu'âwîyah déclara qu'il ne respecterait guère ses engagements.

        «... J'ai promis des choses à al-Hassan, dit-il à ses amis, et je lui en ai accordé d'autres. Mais je les foule toutes de mes pieds, et je ne respecterai rien des promesses que je lui ai faites...»(27)

        Alors que al-Hassan et al-Hussayn s'aient retirés officiellement de la scène politique, Mu'âwîyah et ses acolytes accentuèrent leur hostilité (dont les racines remontaient aux premiers jours de l'Islam) à l'égard des partisans des Ahl ul-Bayt(28). La répression reprit de plus belle et le calvaire des Musulmans ne cessa de s'aggraver... jusqu'au décès de l'Imam al-Hassan des suites de son empoisonnement.(29)

        A la mort d'al-Hassan, alors que Mu'âwîyah se hâtait de désigner(30) son fils Yazid pour sa succession, au mépris des clauses du Traité et des traditions des Califes Bien-Dirigés, les Musulmans, les légitimistes en tête, se tournèrent vers l'Imam al-Hussayn pour lui prêter serment d'allégeance et destituer le gouvernement de Mu'âwîyah.

        En effet la décision de Mu'âwîyah de désigner son fils et de demander aux Musulmans de lui prêter serment d'allégeance, contrairement aux normes et aux règles islamiques en vigueur(31), suscita la colère de l'opinion publique et provoqua une levée de boucliers, surtout parmi les personnalités islamiques de notoriété publique, tels que l' Imam al-Hussayn, fils de l'Imam 'Ali, 'Abdul Rahmân, fils du Calife Abou Bakr, 'Abdul Rahmân al-Zubair, 'Abdullah Ibn 'Omar... ainsi que bien d'autres figures de premier plan.

        Ci-après, nous reproduisons en les résumant quelques scènes et témoignages historiques sur le refus des notables de la Umma de se soumettre au désir de Mu'âwîyah de désigner à sa succession son fils Yazid:

        «En l'an 50 (de l'Hégire), Qûhistân fut pris de force et Mu'âwîyah appela les Syriens à prêter serment d'allégeance à son fils Yazid comme héritier présomptif; ce qui fut fait. Et c'était la première fois qu'un calife désignait son fils pour sa succession... Ensuite il écrivait au gouverneur de Médine, Marwân, pour qu'il obtienne des Médinois la prestation de serment d'allégeance à Yazid. Marwân s'exécuta et tint à ses administrés le discours suivant: «Amîr al-Mu'minîn(32) a décidé de désigner pour vous son fils Yazid, comme continuateur de la sunna de Abou Bakr et de 'Omar.

        - "C'est plutôt la sunna (tradition) de Cyrus et de César", rétorqua 'Abdul Rahmân Ibn Abou Bakr. "Abou Bakr et 'Omar n'ont pas légué le Califat à leurs fils ni à aucun membre de leur famille"».

        En l'an 51, Mu'âwîyah fit le pèlerinage et là aussi, il s'attacha à demander aux gens de prêter serment d'allégeance à son fils.

        Il convoqua tout d'abord Ibn 'Omar qui refusait la désignation de Yazid, et lui dit sur un ton de reproche et de menace:

        «Tu me disais que tu n'aimais pas passer une seule nuit noire sans avoir un commandant! Pour ma part, je te mets en garde contre toute tentative de diviser les Musulmans et de semer la discorde entre eux».

        Ibn 'Omar remercia et loua Dieu, et dit:

        «Avant toi il y avait des califes qui avaient des fils. Le tien n'est pas meilleur que les leurs. Pourtant, ils n'ont pas vu en leurs fils ce que tu vois dans le tien. Ils ont choisi pour les Musulmans ce qu'ils ont estimé bon de choisir. Quant à me mettre en garde contre toute tentative de diviser les Musulmans, de toute façon, je ne l'aurais jamais fait, car je suis l'un d'eux. S'il y a unanimité pour quelqu'un, j'en ferai partie».

        Mu'âwîyah lui dit: «Que Dieu te couvre de Sa Miséricorde». Après quoi, Ibn 'Omar sortit.

        Puis Mu'âwîyah convoqua Ibn (le fils de) Abou Bakr, prononça la profession de foi islamique(33) et se mit à discourir. Ibn Abou Bakr l'interrompit en lui disant:

        «Si tu veux à tout prix désigner ton fils, fais-le; tu en répondras devant Dieu. Quant à nous, par Dieu, nous ne le ferons jamais. Par Dieu, tu dois soumettre cette affaire (de succession) à la consultation des Musulmans, sinon nous te destituerons».

        Et sans plus attendre il sortit. Mu'âwîyah, lui lança, menaçant et sournois:

        «Doucement! Ne te montre pas aux Syriens avant que le les informe ce soir que tu nous a prêté serment d'allégeance, car j'ai peur qu'ils te tuent (s'ils pensent que tu ne l'as pas fait). Par la suite tu pourras faire ce que tu voudras».

        Enfin ce fut le tour d'Ibn al-Zubair de se présenter devant Mu'âwîyah. Celui-ci dit à celui-là: «Ô fils de Zubair! Tu es un renard malicieux qui ne sort d'un trou que pour entrer dans un autre. Tu t'es adressé à ces deux hommes(34), tu as soufflé dans leurs narines et tu les as fait changer d'avis!»

        Ibn al-Zubair répondit: «Si tu en as assez du Califat, démets-toi et allons prêter serment d'allégeance à ton fils. Si nous prêtons serment d'allégeance à toi et à ton fils, lequel de vous devrions-nous écouter et auquel de vous devrions-nous obéir?! La prestation de serment d'allégeance ne pourra jamais être faite à la fois à toi et à ton fils».

        Ibn al-Zubair parti, Mu'âwîyah monta sur la tribune, remercia et loua Dieu, et s'écria: «Nous avons constaté que les dires des gens sont inexacts. Ils ont prétendu que Ibn 'Omar, Ibn Abou Bakr et Ibn al-Zubair ne prêteraient pas serment d'allégeance à Yazid. Or ils ont écouté, obéi, et ils lui ont prêté serment d'allégeance».

        Là, les Syriens crièrent:

        «Par Dieu, nous ne serons pas satisfaits, jusqu'à ce qu'ils prêtent serment d'allégeance devant des témoins. Autrement nous leurs couperons la tête».

        «Dieu soit glorifié! Que les gens ont hâte d'en vouloir aux Quraich(35)! Je ne veux plus entendre aucun de vous répéter cela», leur dît Mu'âwîyah, avec affectation.

        Mu'âwîyah descendit de la tribune et prit le chemin de la Syrie. Les gens se mirent à affirmer que Ibn 'Omar, Ibn Abou Bakr et Ibn al-Zubair avaient prêté serment d'allégeance, cependant que les intéressés eux-mêmes s'écriaient: «Non, par Dieu, nous n'avons pas prêté serment d'allégeance». Les gens dirent: «Si».(36)


        *****************************


        L' Imam al-Hussayn et le Respect scrupuleux des Engagements et des Pactes


        La "Chari'a"(37) islamique définit la conduite politique et la fonde sur des règles morales, doctrinales et juridiques rigoureuses. Elle accorde aux pactes et aux traités une immunité inviolable. Dieu dit, en effet:

        «Ô vous qui croyez! Respectez vos engagements...» (Coran, V, 1)

        et:

        «Tenez vos engagements, car les hommes seront interrogés sur leurs engagements». (Coran, XVII, 34)

        Les Imams d'Ahl-ul-Bayt (l'Imam 'Ali et ses descendants) représentaient à cet égard l'exemple à suivre. En tant que continuateurs de l'expérience du Prophète, et gardiens du Message ils tenaient à ce que leur conduite politique soit l'incarnation et l'application effective de la jurisprudence politique de la chari'a islamique. La devise: «La fin justifie les moyens» n'ait guère la leur. La morale primait tout lorsqu'ils étaient aussi bien avec les masses populaires qu'avec les adversaires. Cette morale politique leur à certes coûté, très cher, dans la lutte acharnée qu'il ont menée contre la corruption et la déviation des Omayyades et ensuite des Abbassides. Mais qu'importait pour eux! Ce dont ils se souciaient, n'était point de remporter des victoires éphémères et momentanées, mais de fixer des règles et des attitudes que l'histoire devrait enregistrer et que les générations futures devront suivre. Après tout, ils étaient les continuateurs de la Tradition du Prophète, et leur mission ne se limitait pas à leur époque contemporaine, mais s'étendait à toute l'histoire future l'humanité.

        Ainsi, lorsque les masses populaires, acquises à la cause des Ahl-ul-Bayt, ont souffert le martyre en subissant le traitement cruel que leur réservaient les Omayyades, et qu'ils se sont tournés vers al-Hussayn (après le décès de son frère al-Hassan en l'an 50 H.) pour lui demander de déclencher une action susceptible de conduire à la destitution de Mu'âwîyah, l'Imam al-Hussayn récusa leur initiative en leur faisant valoir qu'il y avait entre lui et Mu'âwîyah un pacte (signé par l'Imam al-Hassan) qu'il continuerait à respecter, pour sa part, et était illégal de dénoncer; et ce, bien qu'il ait refusé catégoriquement la désignation de Yazid comme successeur de son père au Califat.

        Al-Cheikh al-Mufid, citant les témoignages d'al-Kalbi, d'al-Madâ'inî et d'autres biographes, nous relate dans les lignes suivantes cet épisode de la vie de l'Imam al-Hussayn:

        «L'Imam al-Hassan était juste décédé, les Chiites d'Iraq envoyèrent à l'Imam al-Hussayn des messages dans lesquels ils affirmaient leur volonté de lui prêter serment d'allégeance en vue de le porter au Califat et de destituer Mu'âwîya. Al-Hussayn rejeta cette requête en arguant du pacte qui existait entre lui et Mu'âwîyah, et qu'il n'était pas permis de le dénoncer avant l'expiration du délai prévu. Il leur dit que c'est seulement après la mort de Mu'âwîya (mort qui marque la fin de la validité de ce pacte) qu'il pourrait étudier et envisager leur proposition concernant sa désignation pour le califat»(38)


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        تعليق


        • #5
          Suite..

          Yazid s'empare du Califat


          Avant de mourir, Mu'âwîyah réussit à aplanir les difficultés et à transférer le pouvoir et la présidence de l'Etat Islamique à son fils Yazid, après avoir brisé la résistance de l'opposition à son projet, moyennant argent, ruse et terreur. Mais malgré ce travail énorme accompli par le fondateur de la dynastie omayyade, le nouveau pouvoir se sentait mal assuré, et Yazid savait qu'il lui était difficile de se faire admettre et de défier les valeurs et les principes de la Umma, laquelle fut éduquée par le Prophète dans l'amour et le respect des Ahl-ul-Bayt, et dans laquelle ce dernier avait insufflé une âme "civilisationnelle" spécifique et des valeurs politiques particulières. La Umma, ou une partie d'elle tout au moins, connaissait donc les qualités de l'Imam al-Hussayn et les défauts de Yazid, elle distinguait clairement la personnalité de celui qui devrait la guider, savait quels étaient ses droits et ses devoirs, et refusait par conséquent la tyrannie de ce régime héréditaire que les Omayyades s'obstinaient à lui imposer.

          La Umma venait de vivre vingt ans sous un régime autoritaire et despotique, basé sur un parti unique, le parti des Omayyades, qui s'était emparé seul du pouvoir, des biens des Musulmans et de l'administration de l'Etat. Cela a suffit pour que les Musulmans éprouvent un sentiment de révolte contre ce régime qui semblait maintenant vouloir se perpétuer par un système dynastique et héréditaire, et qu'ils se décident à destituer ce nouveau calife (Yazid) imposé par son père et son prédécesseur (Mu'âwîyah).

          Pour se sortir de cette longue situation difficile de crises, de terreur, de domination politique et de corruption interminable, il était naturel que les mécontents se mettent à la recherche d'un leader révolutionnaire capable d'apporter un changement radical, d'un dirigeant prestigieux capable d'affronter le pouvoir établi et d'un homme de foi et de principes susceptible de mettre fin à la corruption et de rétablir les valeurs de l'Islam. Or, à cette époque-là, personne ne pouvait se mesurer à la personnalité d'al-Hussayn pour assumer un rôle aussi difficile.

          Al-Hussayn était le petit-fils du Prophète, le fils de l'Imam 'Ali, le maître de Quraich et le meilleur de ses contemporains par son savoir, sa piété, sa compétence et sa morale. C'était un homme de notoriété publique; aucun Musulman n'ignorait sa haute position, et personne ne méconnaissait sa personnalité. Courageux, tout le monde se rappelle le ferme refus qu'il opposa à Mu'âwîyah lorsque celui-ci obligea les Musulmans à prêter serment d'allégeance à son fils Yazid qu'il avait désigné pour sa succession.

          Yazid lui-même était conscient de toutes ces qualités qui faisaient d'al-Hussayn le danger numéro un pour son pouvoir. Aussi concentrant sa pensée et ses craintes sur la personne d'al-Hussayn. Dès les premiers jours de son accession au pouvoir, il écrivit à Walîd Ibn 'Otbah Ibn Abi Sufiyân, gouverneur omayyade de Médine, une lettre dans laquelle il lui demanda:

          «Convoque al-Hussayn, 'Abdullah Ibn 'Omar et Ibn al-Zubayr; et obtiens d'eux coûte que coûte leur serment d'allégeance (à mon califat). Ne les relâche pas avant de l'en avoir obtenu...».(39)

          Al-Walîd ouvrit la lettre. Il y lut l'annonce de la mort de Mu'âwîyah et de la proclamation de Yazid comme Calife, ainsi que la mission politique difficile que ce dernier lui confiait. Il garda secret le contenu de la lettre, et il se donna un délai de réflexion. Après quoi il décida de consulter Marwân, une personnalité omayyade influente. Il le convoqua, lui fit part de l'ordre de Yazid et lui demanda comment agir avant que les choses ne s'aggravent et que la situation ne deviennent incontrôlable. Marwân ne voyait d'autre façon d'agir que le recours à l'effet de surprise et à la terreur. Il exposa ainsi son point de vue:

          «Je pense que tu dois les convoquer maintenant et leur ordonner de prêter serment d'allégeance à Yazid. S'ils obtempèrent, je les laisse tranquilles; et s'ils refusent, je les décapiterai avant qu'ils ne sachent la mort de Mu'âwîyah; car s'ils l'apprenaient, chacun d'eux irait de son côté pour s'opposer au califat de Yazid et pour se proclamer soi-même calife. Quant à Ibn 'Omar, il ne se battrait pas, et il n'aimerait pas commander la Umma, sauf s'il y était poussé involontairement».(40)

          Al-Walîd accepta le plan et «envoya à al-Hussayn et à Ibn al-Zubayr un messager adolescent, 'Abdullah Ibn 'Omar Ibn 'Othman, pour leur demander de venir immédiatement chez lui. Le messager les trouva assis dans une mosquée. Il leur fit part du message d'al-Walîd leur demandant de se rendre immédiatement chez lui (à une heure où habituellement il ne recevait pas), et il attendit la réponse. Les intéressés lui dirent: "Va-t-en, nous viendrons tout de suite"».(41)

          «Cette convocation est singulière!», pensaient al-Hussayn et son Compagnon. «Que veut al-Walîd?»

          Les deux hommes pressentirent la gravité de la situation et devinèrent que quelque chose de nouveau venait sans doute de se produire. Sinon pourquoi cette convocation inhabituelle?! A cette heure indue?

          «Ibn al-Zubayr confia son inquiétude à al-Hussayn: "Que veux-il de nous à cette heure où il ne reçoit pas normalement?"

          - "Je pense que leur tyran (Mu'âwîyah) est mort, et qu'il (al-Walîd) nous convoque pour obtenir de nous la prestation de serment d'allégeance avant que la nouvelle ne se propage publiquement", répondit al-Hussayn.

          - "Je ne penserais pas autrement", acquiesça Ibn al-Zubayr, avant d'ajouter: "et que vas-tu faire?"

          - "Je vais maintenant rassembler mes hommes afin de les poster prés de la porte avant d'entrer chez lui", dit al-Hussayn.

          - "Mais j'ai peur pour toi. Si tu entres chez lui...", s'inquiéta al-Zubayr.

          - "Je n'irai le voir qu'en étant à même de refuser (la prestation de serment d'allégeance)", le rassura al-Hussayn».(42)

          C'est donc dans cet esprit de confrontation et de défi courageux et avec une détermination inébranlable qu'al-Hussayn décida dès le début de faire face au pouvoir corrompu et illégitime de Yazid. Car il était conscient des conséquences désastreuses incalculables de la désignation de Yazid à la tête de la direction des affaires et de l'administration de la Umma. Il connaissait parfaitement Yazid et savait pertinemment ce qu'il valait politiquement, moralement et spirituellement. Il fallait absolument l'empêcher de s'emparer du titre de la légitimité qu'il s'efforçait d'obtenir par tous les moyens. L'Imam al-Hussayn savait qu'il n'avait pas d'autre alternative pour l'en empêcher, que le sabre, la révolution, le jihad et le sang.

          Aussi convoqua-il ses frères, ses proches parents et son entourage. Trente hommes décidèrent de l'accompagner chez al-Walîd. Lorsqu'ils y arrivèrent al-Hussayn plaça ses hommes de sorte qu'ils pouvaient observer la réunion et intervenir à tout moment, car il n'ignorait pas que la malhonnêteté et la traîtrise étaient le fort des Omayyades. Aussi dit-il à ses compagnons: «Si je vous appelle ou que vous entendez ma voix s'élever, venez tous dans ma direction. Autrement, restez à vos places jusqu'à ce que de revienne».(43)

          Il entra chez al-Walîd, près duquel il vit Marwân Ibn al-Hakam. Lorsque le gouverneur de Médine lui demanda, comme il l'avait prévu, de prêter serment d'allégeance a Yazid, al-Hussayn dit: «Émir! La prestation de serment d'allégeance ne doit pas être faite en secret. Si tu appelles les gens demain (pour cette affaire), appelle-moi avec eux».

          Marwân Ibn al-Hakam s'empressa d'intervenir sur un ton d'avertissement et de menace: «Non, Emir! N'accepte pas! Récuse son prétexte! S'il persiste à refuser je le décapiterai».

          Al-Hussayn se fâcha et dit à ce dernier: «Malheur à toi, fils de Zarqâ. Tu veux me décapiter! Par Dieu tu as menti et tu t'es rendu mesquin».

          Puis s'adressant à al-Wâlid, il dit: «Emir! Nous sommes la famille du Prophète, le métal du Message et le lieu de fréquentation des Anges. C'est par nous que Dieu a débuté (le Message) et c'est par nous qu'IL (l')a achevé. Par contre Yazid est un libertin qui ne cache pas son libertinage, un alcoolique et un assassin de l'âme(44) que Dieu interdit de tuer. Quelqu'un comme moi ne saurait donc prêter serment d'allégeance à quelqu'un comme lui. Vous et nous, (nous) allons attendre pour voir lequel d'entre nous est le plus en droit de prétendre au Califat».

          Ayant exprimé clairement et sans détour son intention, al-Hussayn sortit. Marwân se fâcha et dit à al-Wâlid: «Tu m'as désobéi!» Ce dernier répondit: «Malheur à toi! Tu m'as conseillé de perdre ma religion et ma vie. Par Dieu je n'accepterais pas la possession de tout ce bas-monde contre l'assassinat d'al-Hussayn. Par Dieu je ne pense pas que quelqu'un puisse rencontrer Dieu avec une balance légère,(45) s'il a sur la main le sang d'al-Hussayn; Dieu ne le regardera pas et ne l'innocentera jamais. Il subirait une douloureuse torture».(46)

          L'Imam al-Hussayn retourna auprès des siens, plus que jamais déterminé à mener le jihad et à déclarer la révolution en faisant de la Mecque sa base de départ et le champ d'action de son mouvement.


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          Pourquoi Al-Hussayn s'est-il soulevé?
          Dans une lettre adressée à son frère Muhammad Ibn al-Hanafiyyah ainsi que dans d'autres occasions, al-Hussayn évoque les raisons de son départ de Médine, de son refus du pouvoir de Yazid, et de sa révolution contre lui. Il y explique le sens de son mouvement et les fondements de sa confrontation avec le nouveau régime Omayyade. Ci-après l'essentiel de cette lettre:

          «Je ne me suis pas soulevé de gaieté de coeur, ni pour une quelconque insatisfaction personnelle, ni par subversion ni injustement. Je me suis soulevé pour réformer la Umma de mon grand-père, le Messager de Dieu, pour commander le bien et interdire le mal, et pour suivre les traces de mon grand-père et de mon père ... »

          Préserver le Message de l'Islam et la Tradition du Prophète, tels sont les deux mots-clé de la Révolution d'al-Hussayn.

          Aucun élément d'ordre personnel n'entra jamais dans ses motivations.

          Quant à son refus absolu du pouvoir de Yazid, il l'a expliqué clairement à Ibn al-Wâlid, comme nous l'avons vu plus haut: «Yazid est un libertin qui ne cache pas son libertin alcoolique et un assassin de l'âme interdite... Quelqu'un comme moi ne saurait prêter serment d'allégeance à qu comme lui ... »

          Le Gardien du Message ne peut aucunement confier celui-ci à son transgresseur. Rien de plus légitime.

          Et c'est dans une autre lettre, adressée, celle-ci, au habitants de Kûfa qu'il souligne les conditions requises en Islam pour un prétendant à la direction politique des Musulmans, l'Imamat(47):

          «Par ma religion, l'Imam ne peut être que celui qui gouverne selon le Livre, qui établit l'équité, qui a pour religion la Religion Vraie, qui s'en tient scrupuleusement aux Pre******************ions de Dieu...»(48)

          Or Yazid était un débauché qui affichait sa débauche.(49) L'essentiel de ses préoccupations étaient: les jeux, les divertissements, les femmes, les boissons alcoolisées, les courses de chevaux, la chasse etc... Comment dès lors, al-Hussayn, ce petit-fils du Prophète, ce gardien du Message, ce membre des Ahl-ul-Bayt dont «Dieu a effacé la souillure»(50), pouvait-il consentir et contribuer à la désignation de quelqu'un comme Yazid pour la direction de la Umma, direction à laquelle ne doit accéder qu'un homme d'une intégrité exemplaire et possédant une connaissance profonde et parfaite des lois et des statuts de la Chari'â?

          En appelant les gens à se joindre à lui dans son soulèvement il ne leur promettait qu'une chose: le retour au Message de Dieu et à la Tradition du Prophète.

          «... Je vous appelle au Livre de Dieu et à la Sunna de Son Prophète... Car la Sunna est assassinée et l'hérésie, ressuscitée. Si vous écoutiez mes paroles et obéissiez à mes instructions... Je vous conduirais dans la bonne voie... Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soient sur vous».(51)

          Une situation indigne de l'expérience islamique:

          De l'étude de la situation politique, économique et sociale de l'époque qu'avait vécue al-Hussayn, ainsi que de l'examen des lettres, des messages, des correspondances et des discours qu'on connaît de cette époque, il ressort que ce qui prévalait durant cette période du règne des Ommayyades, c'était:

          1- Le despotisme et le népotisme du Pouvoir. En effet, une classe politique privilégiée, un parti tribal despotique a monopolisé le pouvoir tout au long de cette période. Il s'agit du parti Omayyade qui s'est réservé le pouvoir et l'administration s'est accaparé des biens de l'Etat, en en privant de la Umma. L'Etat est devenu la chasse gardée des Omayyades, et leur propriété privée.

          2- Les assassinats (d'opposants), la terreur et le sang.

          3- La dilapidation des biens de la Umma et de la naissance d'une classe de riches dans une société où prévalaient la pauvreté et le besoin. En outre, beaucoup de ceux qui occupaient des postes de responsabilité et des postes-clé étaient incompétents.

          4- La déviation dans la conduite: la déviation se développait dans la vie publique et les manifestations de la corruption sociale commençaient à se généraliser dans la conduite des individus et des groupes.

          5- L'absence de la loi, et la primauté du tempérament et de l'intérêt personnels des gouverneurs dans la conduite des affaires de la Umma.

          6- La naissance d'une classe d'inventeurs et de falsificateurs de Hadiths, et de déformateurs de la Sunna du Prophète que d'écoles théologiques, telles que "Al-Jabariyyah" et "Al-Murji'ah", dans le but de justifier et de légitimer la conduite politique déviationniste du Pouvoir.

          La déviation d'un bon nombre des valeurs et des lois de l'Islam était trop évidente pour être ignorée de quiconque se penche sur l'histoire de cette période. Une lecture minutieuse de cette histoire convaincra tout observateur averti que la Révolution d'al-Hussayn était une nécessité islamique historique, et que les mobiles et les causes de cette Révolution ont été engendrés par les conditions très détériorées dans lesquelles vivaient les Musulmans et la Umma.

          Prenons un exemple pour illustrer cette dégradation de la situation des Musulmans et de cette déviation de l'expérience islamique: l'Islam avait établi une situation de paix civile et de sécurité dans le territoire islamique, comme en témoigne ce verset:

          «Celui qui a tué un homme qui lui-même n'a pas tué, ou qui n'a pas commis de violence sur la terre, est considéré comme s'il avait tué tous les hommes; et celui qui sauve un seul homme est considéré comme ayant sauvé tous les hommes». (Coran, V, 32)

          Or la terreur et la liquidation physique constituaient un trait saillant des Omayyades. Le parti omayyade au pouvoir a fait de l'usage du sabre, du fouet et de la prison une monnaie courante contre les Musulmans et notamment contre les adeptes d'Ahl-ul-Bayt, les dirigeants de l'opposition parmi les partisans de l'Imam 'Ali, d'al-Hassan et d'al-Hussayn.

          En témoigne l'un des survivants de cette période de terreur, dans un discours qu'il tint à ses amis et dans lequel il leur rappelait le calvaire qu'ils vivaient et leur reprochait leur résignation: «On vous tuait, on coupait vos mains et vos pieds, on crevait vos yeux, et on vous suspendait au tronc des palmiers, parce que vous aimez les "Gens de la Maison" de votre Prophète (les Ahl-ul-Bayt); et vous restiez pourtant dans vos maisons et obéissiez à votre ennemi ... »(52)

          Mu'âwîyah avait entrepris l'éradication des leaders de l'opposition et des notables des partisans et des adeptes d'Ahl-ul-Bayt. Il en a tué un nombre que l'histoire n'a pu précise exactement. Nous pouvons en citer quelques-uns:

          1- Hajar Ibn 'Aday, un Comagnon auguste qu'al-Hâkim a décrit, dans "Al-Mustadrak", comme un ascète parmi les Compagnons du Prophète.(53)

          «L'Imam al-Hussayn a protesté auprès de Mu'âwîyah l'assassinat de ce Compagnon et de ses amis(54), dans un qu'il lui adressa:

          «N'est-tu pas l'assassin de Hajar, frère de Kindah, ainsi que des fidèles Priants qui refusaient l'injustice, se terrifiaient devant l'hérésie, ne craignaient pas d'être blâmés par " blâmeur" lorsqu'il s'agissait de défendre la Cause de Dieu?... Tu les as assassinés injustement après leur avoir donné toutes les assurances(55) et juré tout de ne leur tenir rigueur ni d'un ancien différend entre toi et eux, ni de rancunes éprouvais à leur égard».(56)

          2- 'Amr Ibn al-Hanq al-Khazâ'i: c'était un Compagnon, un Emigrant(57) qui occupait lui aussi une position auguste auprès du Prophète. Il fut décapité à Mouçol(58) et sa tête fut transportée à Damas. C'était la première fois depuis l'avènement de l'Islam qu'on transportait, ainsi, une tête d'une ville à une autre. Par la suite, sa tête fut apportée à sa femme détenue dans la prison de Mu'âwîyah. Lorsqu'on jeta la tête de son mari dans son giron, elle la regarda et dit aux hommes de Mu'âwîyah: "Vous l'avez éloigné de moi pendant longtemps; puis vous me l'avez offert assassiné. Bienvenue donc à ce cadeau qui ne saurait être ni indésirable ni indésiré".

          3- 'Abdullah Ibn Yahiyâ al-Hadrami et ses compagnons.

          4- Rachid al-Hejri, qui fut démembré vivant.

          Nous avons cité jusque là à titre indicatif les noms de quelques Compagnons éminents qui furent assassinés avec leurs amis par les Omayyades. La liste est loin d'être close. Il ne s'agit pas ici de dresser une liste d'assassinats, mais de montrer l'ampleur de la répression et la légèreté avec laquelle le régime omayyade liquidait des Compagnons du Prophète et des Musulmans intègres, pour leur opposition aux transgresseurs de la Sunna et leurs protestations contre les pratiques illégales.

          A travers le témoignage suivant sur des événements qui se sont produits à Basrah, Ibn al-'Athir nous permet de nous faire une idée des massacres perpétrés contre les opposants et avec quelle désinvolture et insouciance les hommes de Mu'âwîyah commettaient leurs crimes:

          «Lorsque Ziyâd se fit remplacer par Samra - pendant son absence - à la tête du gouvernement de Basrah, ce dernier accéléra le rythme des exécutions. Selon Ibn Sirine, il a tué huit mille personnes pendant l'absence de Ziyâd. Lorsque Ziyâd retour, lui dit: «N'as-tu pas peur d'avoir assassiné un innocent (parmi eux)?» Samra répondit: «Non, si j'en avait assassiné le double, je n'aurais pas eu une telle crainte». Abou al-Sawâri, al-'Adwi témoigne: «Samra a tué quarante sept membres de ma tribu en une seule journée. Ils étaient tous des colligeurs(59) du Coran».(60)

          Outre les massacres et les persécutions des opposants et des adeptes d'Ahl-ul-Bayt, les autorités omyyades menaient parallèlement une campagne de désinformation, de falsification et de déformation contre l'opposition conduite par les deux petits-fils du Prophète. On entendait prononcer depuis les tribunes des Omayyades, des discours provocateurs regorgeant de mensonges, d'injures et de contre-vérités à l'encontre l'Imam 'Ali Ibn Abi Tâlib.

          Ces agissements ont suscité la colère de la Umma en général, d'al-Hassan et al-Hussayn, de leur partisans, des Compagnons et des Suivants(61) en particulier, ceux-ci ayant bien connu l'Imam 'Ali, sa position, son jihad justice, sa science et sa plume.

          Al-Mas'oudi, citant al-Tabari, rapporte un incident entre Sa'ad et Mu'âwîyah, qui montre que ce dernier était l'instigateur de cette campagne de propagande et que les pieux des Compagnons et les avant-gardes de la Umma s'y étaient opposés:

          «Mu'âwîyah accomplissait le pèlerinage et déambulait dans la Maison avec Sa'ad. Lorsqu'il termina, il se rendit à Dar al-Nadwa et fit s'asseoir Sa'ad près de lui sur son lit. Il se mit à injurier 'Ali. Sa'ad s'approcha et dit: «Tu m'as fait asseoir auprès de toi sur ton lit et tu t'es mis à injurier 'Ali. Par Dieu, si j'avais seulement une seule des qualités que possédait 'Ali, je l'aurais aimée mieux que la possession de ce sur quoi le Soleil se lève; et si j'avais les enfants de 'Ali, je les aurais mieux aimés que la possession de ce sur quoi le Soleil se lève! Par Dieu si c'était à mon propos que le Prophète eût dit (ce qu'il avait dit à propos d'Ali), le jour de Khaybar: "Demain je donnerai l'étendard à un homme que Dieu et Son Prophète aiment, et qui aime Dieu et son Prophète; il n'est pas un fuyard; par lui, Dieu donnera la victoire", ce serait préférable pour moi à la possession de ce sur quoi le Soleil se lève. Par Dieu si c'était à moi que le Prophète eût dit - ce qu'il avait dit à l'Imam 'Ali -: "N'acceptes-tu pas d'être à moi ce que Haroun était à Moïse, à cette différence près qu'il n'y aura pas de Prophète après moi?", ce serait mieux pour moi que la possession de ce sur quoi le Soleil brille. Que Dieu ne me pardonne jamais si j'entrais une seconde fois chez toi pour le restant de ma vie ». Puis il se leva et partit.(62)

          Ibn al-'Athir nous relate un autre incident du même genre: «Un jour, Yosr Ibn Arta'ah était chez Mu'âwîyah. Lorsque celui dit du mal de 'Ali, en présence d'Ibn 'Omar al-Khattab et sa mère Om Kalthoum, fille de 'Ali, Yosr leva le bâton sur lui et le blessa».(63)

          Il raconte encore: «Lorsque al-Moghira fut nommé gouverneur de Kûfa, il confia la région d'al-Ray à Kathir Ibn Chehâb qui s'attachait à injurier 'Ali de la tribune. Kathir à Ray jusqu'à ce que Ibn Ziyâd fût désigné pour être à la tête du gouvernorat d'al-Kûfa».(64)

          Selon al-Mas'oudi: «Ziyâd rassemblait les gens à la porte de son château et les incitait à maudire 'Ali. Celui qui refusais s'exécuter, il le soumettait, sans autre forme de procès, à l'épée».(65)

          Cette campagne de dénigrement contre l'Imam 'Ali ne prit fin qu'avec l'avènement de 'Omar Ibn 'Abdul 'Aziz, lequel en ordonna l'arrêt, et entreprit l'épuration de l'appareil gouvernemental de ses prédécesseurs.(66)

          Outre ces facteurs qui ont attisé les flammes de la révolution et galvanisé l'ardeur de l'opposition qui réclamait l'application des statuts de la justice et de l'égalité que l'Islam avait promulgués, ainsi que le respect de la volonté de la Umma et des valeurs et des principes relatifs au gouvernement, à la politique et à la façon de traiter la Umma, il y avait des facteurs économiques et financiers qui justifiaient le Soulèvement des défenseurs de l'Islam vrai. En effet, le régime Omayyade avait suspendu les lois de la distribution économique (promulguées par l'Islam) établissant l'égalité dans les dons distribués, l'interdiction de l'accaparement, l'obligation de la solidarité l'entraide sociales au bénéfice des classes démunies, et la lutte contre la pauvreté. En effet le Coran dit:

          «Annonce un châtiment douloureux à ceux qui thésaurisent l'or et l'argent sans rien dépenser dans le chemin de Dieu». (Coran, IX, 34) et «Ce que Dieu a octroyé à Son Prophète comme butin pris sur les habitants des cités appartient à Dieu et à Son Prophète, aux pauvres, au voyageur, afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous qui sont riches. Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit. Craignez Dieu! Dieu est terrible dans Son Châtiment!» (Coran, LIX, 7).

          Les classes défavorisées, constatant jour après jour la détérioration de leur situation économique, ont pris conscience que ces préceptes du Coran n'avaient aucune application réelle, et que face à l'accentuation de leur privation et de leur indigence, la richesse s'accumulait entre les mains d'une catégorie particulière.

          L'histoire nous montre clairement la disparité dans le niveau de vie des deux catégories qui composaient la Umma. Une majorité démunie et vivant dans la privation, et une minorité qui ne savait que faire de l'argent dont elle s'accaparait. Ainsi, les historiens ont souligné que la fortune d'Amr Ibn al-'Âç, le gouverneur de l'Egypte sous Mu'âwîyah se composait de 325 mille dinars en nature, de 100 mille dirhams en monnaie, 200 mille dinars en récolte, et d'une propriété célèbre en Egypte, dont la valeur était de 10 mille dinars; que lorsque 'Abdul Rahrnân Ibn 'Awf divisa son héritage en 16 parts, chacune de ses femmes a obtenu 80 mille dirhams».(67)

          Selon Ibn al-'Athir, Marwân Ibn al-Hakam obtint 500 mille dinars des revenus africains.(68)

          On a estimé la fortune de Ya'li Ibn 'Omayya à 500 mille dinars, auxquels il faut ajouter près de 300 mille dinars composés de prêts et de biens immobiliers(69) , et on affirme que lors de sa mort, il a laissé une fortune de 250 mille dirhams.(70)

          Selon Saïd Ibn al-Musayyab, Zayd Ibn Thâbit a légué une quantité d'or et d'argent telle, qu'on fut amené à les effriter avec des marteaux; sans parler de ses propriétés et autres biens estimés à 100 mille dinars.(71)

          Ces fortunes colossales pour l'époque ne pouvaient laisser indifférentes la majorité écrasante des masses Musulmanes qui réclamaient l'application des principes égalitaires de l'Islam. En voyant Yazid vautré dans une vie de débauche et préoccupé de ses chiens, de ses singes et de ses boissons, et en constatant que son entourage et ses gouverneurs faisaient de même (c'est l'époque de Yazid que le chant public, la consommation d'alcool et l'apparition des clubs de nuit, ont vu le jour à la Mecque et à Médine),(72) les classes défavorisées soucieuse de voir s'appliquer l'égalité islamique, se sont tourné al-Hussayn, pour qu'il rétablisse la situation en tant que dirigeant capable d'appliquer les statuts et les lois islamiques qu'elles avaient connus à l'époque du Prophète.

          Situation politique pourrie où prévalaient corruption, népotisme et déviation, doublée d'une injustice économique flagrante, toutes les conditions objectives et légales étaient pour un soulèvement général que l'Imam al-Hussayn ne pouvait pas légalement ne pas déclencher. Ce petit-fils du Prophète et fils de l'Imam 'Ali, investi qu'il était, par le Texte, de la mission de sauvegarder le Message islamique, ne pouvait pas faillir à cette mission en restant les bras croisés alors que les valeurs de l'Islam étaient bafouées publiquement et ouvertement; même s'il était sans illusion quant à l'issue immédiate de sa révolution. Il lui importait peu qu'il remporte ou non la bataille qu'il devait livrer. Pour lui, ce qui comptait c'était d'accomplir sa Mission divine, et de réaliser la victoire de sa Cause. De là sa grandeur et la noblesse de sa Révolution exemplaire.


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          A suivre....

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          • #6
            Suite..

            A Médine

            L'Imam al-Hussayn a mesuré la gravité de la situation et s'est rendu compte de la volonté du parti omayyade de transformer coûte que coûte le califat en un règne héréditaire. Il a constaté que le Traité signé entre Mu'âwîyah et son frère al-Hassan était resté lettre morte et que si Mu'âwîyah lui-même l'avait totalement négligé, ses successeurs ne semblaient guère vouloir être plus royalistes que le roi à cet égard. Il a compris que la Umma ne tarderait pas à connaître un désastre politique effroyable, et que son devoir légal (religieux) lui imposait de ne pas décevoir l'espoir que la Umma mettait en lui pour la sortir du calvaire.

            La situation politique à Médine était incertaine et trouble. Al-Wâlid, gouverneur de Médine, et Marwân, l'un des piliers du pouvoir omayyade, que le Prophète avait expulsé de cette ville, et qui y pesait actuellement d'un poids grandissant, n'ont pas désarmé face à son refus de prêter serment d'allégeance à Yazid, et semblaient vouloir l'y contraindre à tout prix, puisqu'ils l'avaient de nouveau convoqué.

            Il lui fallait prendre rapidement la décision qui s'imposait pour faire face à la nouvelle situation. Aussi dit-il aux messagers de Wâlid et de Marwân, venus lui apporter la convocation de leurs maîtres: «Attendez jusqu'à demain. Puis, vous verrez et nous verrons».(73)

            En examinant une dernière fois les données du problème auquel il était confronté, il estima qu'il ne pouvait accepter légalement le fait accompli pour les raisons suivantes:

            1- Yazid s'est emparé du califat en violation des termes du Traité de Réconciliation qui stipulait qu'après la mort de Mu'âwîyah le Califat reviendrait aux ayants droit, soit à al-Hassan ou à défaut, à son frère al-Hussayn.

            2- La passation du Califat à Yazid s'est déroulée de façon contraire à celle que les Musulmans avaient connue auparavant, soit le système de «choura» (la consultation).(74)

            3- L'incompétence et la disqualification de Yazid pour diriger la Umma.

            4- L'emprise du parti et de la famille omayyades sur le Pouvoir.

            5- La déviation des principes islamiques de justice et d'égalité, et le pouvoir personnel au lieu de celui de la loi.

            Aussi décida-t-il de quitter Médine pour la Mecque, avec sa famille, son entourage et ses compagnons, la deuxième nuit après son entretien avec al-Wâlid. C'était donc le point de départ de la longue et pénible marche historique d'al-Hussayn, d'une cascade de sang qui ne cessera de couler à travers l'histoire, rappelant à tout moment, aux injustes, que l'injustice à des limites, et aux déviationnistes, que le Message a toujours des gardiens dévoués et prêts en toute conscience, à se sacrifier pour le défendre, quelque soient la puissance et la tyrannie de ceux qui veulent le faire dévier de son cours originel.

            En décidant de réagir et de ne pas céder aux pressions omayyades, al-Hussayn savait pertinemment qu'il avait affaire à forte partie: Mu'âwîyah avait pu renforcer solidement le pouvoir des Omayyades; et à une partie difficile et intraitable: si lui-même n'avait pour arme que les principes, les valeurs et les idéaux dont il ne pouvait ni ne voulait n'écart, ses adversaires n'hésitaient devant rien: tous les moyens leur étaient bons: la ruse, le mensonge, l'assassinat, la déviation, l'immoralité. A un pouvoir solidement assis, à la riche fabuleuse de la Umma islamique dont les Omayyades disposaient, et aux moyens perfides qu'ils utilisaient, l'Imam al-Hussayn ne pouvait opposer que sa foi, son intégrité, son prestige moral et ses principes. De là, la valeur de symbole son combat.

            Devant la crainte de voir la déviation, déjà largement entamée, se généraliser et se banaliser, et la civilisation islamique s'engager définitivement dans une voie qui s'écartait Message, al-Hussayn estimait que seule une autorité morale, une force morale, était capable de faire mouvoir et d'émouvoir la conscience de la Umma et de rappeler à celle-ci la gravité sa situation déviationniste. Or il n'y avait que lui-même pour incarner cette force morale, et faire face courageusement à la puissance des Omayyades, contester légalement leur idéologie déviationniste, s'opposer légitimement à leurs agissements déviés, et atteindre, quelque soit l'issue de sa bataille, les objectifs de sa Révolution: s'il l'emportait sur les ennemis, il pourrait diriger la Umma et rétablir les lois du Coran et de la Sunna du Prophète, et s'il mourait pendant sa Révolution et que celle-ci venait à avorter, son sang de martyr, celui du fils de l'Imam 'Ali et du petit-fils du Prophète, jaillirait à tout jamais et rappellerait à ses contemporains et à toutes le générations futures que la sauvegarde et l'intégralité du Message ne sauraient faire l'objet de compromis et de marchandage.

            En fait, en décidant d'affronter les Omayyades, al-Hussayn espérait moins obtenir une victoire matérielle et immédiate contre eux, que les empêcher de porter injustement le titre de la légitimité et de la légalité. Mieux, tout porte à croire que lorsqu'il décida d'engager la lutte contre Yazid et son empire, il savait préalablement qu'il y perdrait sa vie. Ainsi lorsque quelques-uns de ses proches - tels 'Omar Ibn 'Ali Ibn Abi Tâlib (son frère), Om Salama (la femme du Prophète) et Mohammad Ibn al-Hanafiyya - essayèrent de le convaincre de revenir sur sa décision d'affronter les Omayyades en arguant de l'issue désespérée de cet affrontement, il restait inébranlable, leur expliquant qu'il n'ignorait pas ce qui personnellement l'attendait. La preuve en est ce témoignage de 'Omar Ibn 'Ali Ibn Abi Tâlib: «Lorsque mon frère al-Hussayn refusa de prêter serment d'allégeance à Yazid, à Médine, j'entrai chez lui et le trouvai seul. Je lui dis: "Que Dieu me sacrifie pour toi, ô Abou 'Abdullah! Car ton frère Abou Mohammad al-Hassan m'a raconté". Mes larmes m'empêchèrent de terminer et je me mis à pleurer. Al-Hussayn m'étreignit et me dit:

            - On t'a dit que je serais mort...!

            - A Dieu ne plaise, ô fils du Messager de Dieu! dis-je.

            - Par ton père, je t'ai demandé, s'il t'a parlé de mon assassinat? insista al-Hussayn.

            - "Oui", répondis-je. "Ne veux-tu pas bien prêter serment d'allégeance?"

            - "Mon père m'a dit que le Messager de Dieu prédit assassinat(75) et le mien et prévit que mon tombeau serai du sien", dit al-Hussayn. " Crois-tu donc que tu savais ce que je ne savais pas?!" ajouta-t-il».(76)

            Lorsque Om Salma, la femme du Prophète le pria d'abandonner son projet en lui disant que son grand-père, le Prophète, avait prédit son assassinat dans le combat qui l'attendait, il ne dit pas autre chose: «Oui, mère, je sais que je tué».


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            Adieu, Messager de Dieu!

            Al-Hussayn quitte Médine
            Al-Hussayn tenait à se rendre au tombeau de son grand-père le Messager de Dieu, comme si cette visite d'adieu devait annoncer un voyage de non retour. Il pressentait sans doute qu'il n'aurait plus l'occasion de visiter de nouveau ce tombeau béni. Il accomplit alors, près du tombeau deux rak'ah(77) de prière et se mit à adresser des supplications à Dieu:

            «Ô mon Dieu! Ici se trouve le tombeau de Ton Prophète, et je suis le fils de la fille de Ton Prophète. Tu sais ce qu'il m'arrive. Ô mon Dieu! J'aime le bien et je renie le mal. Je Te demande, Ô Toi qui es plein de Majesté et de Munificence, par ce tombeau et celui qui y gît, de ne me faire faire que ce qui Te satisfait et satisfait Ton Prophète».(78)

            Al-Hussayn et ses compagnons sortirent de Médine et se dirigèrent vers la Mecque en l'an 60 hégirien. Le cortège se composait de quelques membres de sa famille, de quelques proches, de ses femmes et enfants et de sa soeur Zaynab. Ils avaient à parcourir un désert aride d'environ 450 Kms avant d'arriver à la Mecque. Al-Hussayn se mit en route en récitant ce verset coranique:

            Il sortit de la ville, inquiet et regardant de tous côtés, il dit: «Mon Seigneur! Délivre-moi de ces gens injustes». (Coran, XXVIII, 21)

            Sur la route, 'Abdullah Ibn Muti' vit le cortège et fut pris d'inquiétude lorsqu'il apprit qu'al-Hussayn quittait Médine, car son absence de cette ville serait durement ressentie par tous ceux qui mettaient tous leurs espoirs en lui, en tant que seul dirigeant capable de s'opposer aux autorités de Yazid. Il lui exprima son inquiétude en ces termes:

            «... Si tu vas à la Mecque, prends garde de la quitter pour Kûfa, car c'est une ville funeste dans laquelle ton père a été tué, et ton frère y a reçu un coup de poignard qui a failli lui coûter la vie. Reste à la Mecque, car tu y es le maître des Arabes. Personne, parmi ses habitants ne saurait t'égaler; les gens s'appelleront les uns les autres pour venir vers toi de tous côtés. Ne quitte pas la Mecque. Que mon oncle paternel et mon oncle maternel te soient sacrifiés! Par Dieu! Si tu mourais, nous serions asservis après toi».(79)

            Mais al-Hussayn et son cortège continuèrent leur route. Le trajet était long, très long. Les sables et les cailloux du désert étaient rendus comme une fournaise par la chaleur brûlante du Soleil. Cette longue marche périlleuse vers l'inconnue (la Mecque n'était qu'une étape), qui entraînait avec elle des femmes et des enfants, se voulait être surtout la marche du défi. Elle rappelait un peu la marche de son père l'Imam 'Ali lequel (contrairement à la plupart des Muhâgirine - les Emigrants - qui empruntaient, à la faveur de l'obscurité de la nuit, des chemins déserts pleins de détours, pour éviter d'être vus par les polythéistes) étaient sorti de Médine en plein jour pour se diriger vers la Mecque, défiant ainsi l'orgueil et l'arrogance des Quraîch. Les courage de l'Imam 'Ali habitait toujours les tréfonds de son fils l'Imam al-Hussayn qui refusait les implorations de sa famille et de ses amis le priant d'éviter la route publique et d'emprunter un trajet discret, pour échapper à la poursuite des Omayyades. Al-Hussayn insistait pour que sa marche soit une marche d'information, un mouvement d'opposition, une protestation publique. Il voulait que les Musulmans assistent eux-mêmes à son départ afin qu'ils prennent conscience de la gravité de la situation, et qu'ils se demandent pourquoi al-Hussayn quitte la ville de son grand-père, le Prophète, alors qu'il est le maître, le fils et l'enfant le plus chéri de cette ville. Il voulait que sa marche soit le sujet de conversation de tout le monde, le déclenchement d'un mouvement de protestation, la levée du rideau de la peur.

            Effectivement, après son départ, les gens de Médine, y compris les fils des Muhâjirine et des Ansars,(80) des Compagnons et des Suivants, commencèrent à se réunir, à discuter, à le plaindre: «Le fils(81) du Messager de Dieu est parti! Il a quitté sa ville. Il entreprend à Yazid et de se soumettre à son pouvoir! Qu'attend la Umma!?»

            Pendant ce temps, la nuit et le silence planait sur les maison d'al-Hussayn et de sa famille. Un climat de désolation et de tristesse doublée d'une atmosphère de peur et d'inquiétude régnait sur la ville. Les gens avaient peur pour al-Hussayn. Ils craignaient la défection de ses partisans et la trahison de ses ennemis. Al-Hussayn mourrait! Ce serait une étoile sans pareille qui disparaître du Ciel de la ville!


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            Dans L'Enceinte Sacrée et Sûre
            (La Mecque)


            Al-Hussayn arriva au "Lieu de la descente de la Révélation", la Mecque, Ville de la Paix, pendant la nuit du troisième vendredi du mois de Cha'bân. Il y entra en récitant ce verset coranique:

            «Il dit, tout en se dirigeant vers Madian: "Il se peut que mon Seigneur me guide sur la Voit Droite». (Coran, XXVIII, 22)

            Il descendit dans la demeure de 'Abbas Ibn 'Abdul Muttalib et s'y établit pour mener son action politique avec l'immunité légale de la Maison Sacrée de Dieu.

            Sa venue à la Mecque ne manqua pas de susciter l'étonnement et la surprise. Les Mecqois et les pèlerins de cette cité l'accueillirent chaleureusement. La nouvelle de son départ de Médine pour la Mecque et son refus de prêter serment d'allégeance à Yazid se rependit rapidement. Des délégation et des lettres affluèrent vers lui de partout. Al-Hussayn s'attacha pour sa part à envoyer partout des messagers et des messages, appelant à la révolution contre Yazid, et au retrait de sa désignation au califat, obtenue par la force, la terreur, les pots-de-vin et les mensonges, contrairement aux statuts et aux règles islamiques de la désignation du gouvernant. Des rassemblements et des réunions commencèrent à se former dans les quatre coins du monde islamique. Les masses populaires musulmanes se félicitèrent du mouvement d'al-Hussayn et organisèrent des débats politiques sur la situation.

            La lecture des correspondances d'al-Hussayn nous permet de constater que la raison de son départ de Médine pour la Mecque comme première étape de son mouvement se résumait dans les points suivants:

            - Attirer l'opinion publique, la sortir de sa léthargie, la mouvoir, la surveiller de plus près, et la tester.

            - Commencer la mobilisation et la préparation du soulèvement général; exposer le problème politique selon les principes islamiques de gouvernement, de politique et de direction.

            - Planifier en vue de diriger les masses et définir les points de départ de la confrontation, sur les plans de temps, de lieu et de conjoncture.

            - Amorcer la confrontation pour déchoir le gouvernement de Yazid et instaurer un Etat bien dirigé sous la direction d'al-Hussayn, fondé sur les principes du Coran et de la Sunna du Prophète.

            Ses contacts et correspondances avec les différentes communautés de la nation islamique ne tardèrent pas à porter leurs premiers fruits. En effet, l'esprit de la révolution se mit en branle en Irak, centre du mouvement politique partisan des Ahl al-Bayt à cette époque. Les chefs de l'opposition, parmi les partisans de l'Imam al-Hussayn, se réunirent à Kûfa, dans la maison de Sulayân Ibn Çard al-Khazâ'î pour examiner les situations politiques et sociales, la mort de Mu'âwîyah et la passation du pouvoir à Yazid. Ils discutèrent du projet d'al-Hussayn, de son refus du califat de Yazid et de son départ pour la Mecque. Ils prient la décision de la soutenir, de se mettre sous sa direction et à sa disposition. A la clôture de ces débats Sulaymân Ibn Çard al-Khazâ'î se leva et fit ce discours:

            «Mu'âwîyah est mort. Al-Hussayn appelle les Musulmans à lui prêter serments d'allégeance. Il est parti pour la Mecque. Vous êtes ses chiites (partisan) et les chiites de son père. Si vous êtes de sûrs de vouloir le soutenir et de combattre son ennemi, de vous sacrifier pour lui, écrivez-le-lui et faites-le-lui savoir. Mais si vous craignez l'échec et la faiblesse, ne l'appâtez pas inutilement.

            - Non, Nous combattrons son ennemi et nous nous sacrifierons pour lui, répondirent les assistants.

            - Ecrivez-lui donc, leur dit Sulaymân»(82)

            Les gens présents à ce rassemblement écrivirent la lettre suivante à al-Hussayn:

            «Au Nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux. Que la paix soit sur toi. Nous remercions Dieu, en dehors de Qui il n'y a pas d'autre dieu.

            »Louange à Dieu qui a brisé ton ennemi tyrannique et têtu qui s'empare de cette Umma, soutira son "affaire"(83) usurpa ses butins, la gouverna sans qu'elle l'y autorise, assassina ses pieux, et conserva ses méchants. Il n'est donc pas Imam. Viens! Nous espérons que Dieu nous réunirait (avec toi) dans le bon droit. Quant à al-Nu'mân Ibn Bachir(84) qui se trouve dans le palais d'Imarah(85), nous ne nous réunirons avec lui ni les vendredis, ni les jours de fête. Et quand nous apprendrons que tu viendras auprès de nous, nous l'expulserons vers Damas, si Dieu le veut. Que la Paix, la Miséricorde et les Bénédictions de Dieu soient sur toi».

            Ils expédièrent cette lettre par 'Abdullah Ibn Saba' al-Ramadân et 'Abdullah Ibn Wâl. Deux nuits plus tard, ils envoyèrent une deuxième lettre accompagnée d'environ cent cinquante pages écrites par la population, pour le prier de venir à Kûfa. Cette deuxième lettre fut suivie d'un autre messager dépêché pour presser al-Hussayn de se diriger vers l'Irak. Puis des personnalités irakiennes, tels Chabth Ibn Rub'i, Hajjar Ibn Abjar, Yazid al-Hârith, Yazid Ibn Rouim, 'Urwah Ibn Qais, 'Omar al-Zubaidi et Muhammad Ibn 'Amir al-Temîmi lui envoyèrent des messages dans le même sens(86). Les lettres continuèrent à affluer vers al-Hussayn; elles lui apportaient les cris de secours des Irakiens: «Nous n'avons pas d'Imam! Viens vers nous»! ou «Les gens t'attendent. Ils n'ont que toi. Viens vite, viens vite, viens vite, viens vite».(87)

            Conscient de la gravité de sa responsabilité et de l'importance de sa mission, tenant compte de l'expérience malheureuse et douloureuse de son frère al-Hassan et de son père l'Imam 'Ali avec les Irakiens, al-Hussayn ne pouvait prendre une décision de cette importance que prudemment, et ne voulait réagir positivement aux requêtes pressantes et réitérées de ses partisans en Irak qu'après avoir obtenu des assurances suffisantes quant au sérieux de leur soutien. Aussi leur écrivit-il une lettre dans laquelle il leur rappela le contenu de leurs missives et leur demanda d'accueillir son représentant et cousin Muslim Ibn 'Aqil afin qu'il apprécie la situation sur place et prépare sa venue:

            «Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. (...) J'ai reçu vos lettres et vos messagers (...). J'ai pris note de tout ce que vous avez écrit et exprimé dans ces lettres. (...) Je vous envoie mon frère et cousin, mon homme de confiance, quelqu'un de ma famille: Muslim Ibn 'Aqil. S'il m'écrivait qu'il y avait un consensus unanime de la population sur ce que vous avez écrit dans vos lettres... je viendrais auprès de vous bientôt; si Dieu le veut...»(88)

            En même temps, al-Hussayn prit soin de préparer et de mobiliser les habitants de Basrah. Il adressa la lettre suivante aux chefs de cette ville et à ses leaders de l'opposition:

            «Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux... Dieu a élu Mohammad parmi Ses créatures pour lui accorder l'honneur de la mission prophétique. Il l'a choisi pour communiquer Son message. Puis Il l'a appelé vers Lui. Le Prophète a conseillé les serviteurs de Dieu et a communiqué ce pourquoi il fut choisi comme Prophète... Nous étions sa famille, ses amis, ses héritiers présomptifs, ses légataires et les premiers ayants droit à le représenter auprès des gens. D'aucuns parmi notre peuple nous ont usurpé notre droit. Et cependant, nous n'avons rien dit, car nous détestions la division et nous avons voulu favoriser la sécurité, tout en sachant que nous avions plus de droit au califat que ceux qui l'ont confisqué.

            »Je vous envoie cette lettre avec mon messager et je vous appelle au Livre de Dieu et à la Sunna de son Prophète (P), car, en effet, celle-ci a été assassinée, et l'hérésie ressuscitée. Je vous invite à écouter ma parole, obéir à mes ordres; je vous conduirais vers la bonne voie. Que la Paix, la Miséricorde et les Bénédictions de Dieu soient sur vous».(89)

            De cette façon Basrah apprit la nouvelle du mouvement d'al-Hussayn. Cette ville était l'un des fiefs de l'action politique de l'opposition, et le plus grand centre islamique après Kûfa, en Irak, à cette époque-là. Elle comptait des leaders de l'opposition et connaissait une opinion publique hostile au régime Omayyade. Elle avait beaucoup souffert des gouverneurs de Mu'âwîyah. Avec l'arrivée de cette lettre, les notables de la ville se sont réunis à la maison d'une femme de l'opposition et ont décidé de soutenir le mouvement d'al-Hassayn.

            Ibn al-'Athir nous fait un compte rendu de cette réunion dans son livre: "Al-Kâmel fil Târikh" (Tom. VI, p. 21):

            «Des Chiies se sont réunis dans la maison d'une femme de la famille Abdul Qaïs. Elle s'appelait Mariya Binta Sa'dah. Elle était devenue chiite, et sa maison un lieu de réunion et de débats pour les Chiites... Yazid Ibn Banit, lui aussi de la famille de 'Abdul Qaïs, décida d'aller à la rencontre d'al-Hussayn. Il avait dix fils. Il leur demanda: «Lequel de vous viens avec moi». Deux d'entre eux se sont présentés: 'Abdullah et 'Obeidullah. Ils partirent à la Mecque... et ils furent tués avec lui plus tard».

            D'autres réunions et d'autres débats ont eu lieu pour donner suite à la lettre d'al-Hussayn. Ainsi, Yazid Ibn Mas'oud rassembla les Bani Temim, les Bani Handhalah et les Bani Sa'ad. Il leur tint un discours dans lequel il les incita à soutenir al-Hussayn et les mit en garde contre toute velléité de faire défection. Voici quelques extraits du discours:

            «... Yazid, cet alcoolique et cette tête de la débauche prétend au califat des Musulmans et s'impose comme leur chef sans leur consentement. Pourtant il manque de clémence et de savoir, il est ignorant du bon droit. Je jure donc avec force, par Dieu, que le jihad contre lui est préférable pour la religion au jihad contre les polythéistes. Et voici al-Hussayn fils de 'Ali et fils du Messager de Dieu; il est d'un honneur authentique, d'une opinion enracinée, d'une grâce inde******************ible, et d'un savoir inépuisable. Il a la priorité pour cette affaire (le califat) en raison de ses bons antécédents, de son âge, de son ancienneté, et de sa parenté. Il est tendre avec les cadets et bienfaiteur pour les aînés. Il est donc le meilleur pasteur pour ses ouailles et l'Imam d'un peuple. (...) Ne manquez donc pas de voir la lumière du vrai et n'errez pas dans l'abîme du faux. Çakhr Ibn Qaïs a été trahi par votre défection le Jour (de la bataille) de Jamal. Effacez donc cette faute en soutenant le fils du Messager de Dieu. Par Dieu, personne parmi vous ne pourrait manquer à le soutenir sans que Dieu n'humilie ses enfants et réduise sa tribu. (...) Me voilà en habit de guerre. Celui qui n'est pas tué dans la guerre, mourra naturellement; et celui qui fuit, n'échappera pas à son sort. Essayez donc - que Dieu vous couvre de sa miséricorde - de me donner une bonne réponse».

            Les Bani Handhala ont répondu les premiers: «Ô Abou Khâled, nous sommes les flèches de ton carquois et les cavaliers de ta tribu. Si tu tirais avec nous, tu atteindrais la cible, et si tu attaquais avec nous, tu conquerrais. Par Dieu tu ne livrerais pas une bataille sans que nous ne la livrions, et tu ne rencontrerais pas une difficulté sans que nous ne la partagions. Par Dieu nous te soutiendrons avec nos sabres, et te protégerons avec nos corps. Fais et nous te suivrons».

            Puis ce fut autour des Banou Sa'ad Ibn Yazid de prendre la parole: «Ô Abou Khâled, ce que nous détestons le plus, c'est de nous opposer à toi et d'avoir une opinion différente de la tienne. Si nous avions abandonné le champ de bataille (de Jamal) c'était parce que Çakhr Ibn Qaïs, nous l'avait demandé... Aussi avons-nous conservé notre force. Donne-nous donc un peu de temps pour nous concerter et t'apporter notre réponse ».

            Enfin ce fut le représentant des Bani 'Âmer Ibn Temîm qui intervint: «Ô Abou Khâled! Nous somme la tribu de ton père, et tes alliés. Nous ne resterions pas indifférents si tu es en colère, ni ne demeurerions ici, si tu pars. L'affaire est entre tes mains. Appelle-nous, nous te répondrons et ordonne-nous, nous t'obéirons...»

            S'étant assuré du soutien de ces tribus, Yazid Ibn Mas'oud écrivit à al-Hussayn:

            «Au nom de Dieu... J'ai reçu ta lettre et compris ce que tu m'as chargé de faire et l'appel que tu m'as lancé pour obtenir mon soutien. Dieu ne laisse jamais une terre sans un facteur de bien ou un guide pour la voie du salut. Vous(90) êtes la preuve de Dieu à Sa créature, et Son Dépôt dans Sa terre. Vous vous ramifiez d'un olivier d'Ahamd (un autre nom du Prophète Muhammad), dont celui-ci est le tronc et vous, les branchages. Viens donc, tu es le bienvenu...»

            De son siège de la Mecque, al-Hussayn a donc pu faire remuer l'opinion publique, galvaniser le sentiment de révolte des Musulmans, diriger le mouvement de l'opposition. Pendant les mois de Cha'bân, Ramadân, Chawwâl, Thil-Qa'dah et une partie de Thil-Hajjat, il a pu déterminer le lieu, le temps et la conjoncture politique du déclenchement de sa bataille.

            La révolution sera déclenchée en Irak.


            ************************************
            A SUIVRE

            تعليق


            • #7
              Suite...

              Muslim Ibn 'Aqil(91) à Kûfa

              La dernière lettre qu'al-Hussayn a reçue des habitants de Kûfa portait ces mots rédigés dans un style télégraphique:

              «Au nom de Dieu... A al-Hussayn fils de 'Ali, Commandeur des croyants... De la part de ses chutes et des chutes de son père le Commandeur des croyants...

              »Les gens t'attendent. Leur opinion ne s' arrête sur personne d'autre que toi. Dépêche-toi, ô fils du Messager de Dieu. Les environnements ont verdi, les fruits ont mûri, la terre s'est couverte d'herbes, les arbres ont revêtu leur feuillage. Viens vers nous si tu veux. Tu verra en nous des soldats mobilisés pour toi...»(92)

              Al-Hussayn lut et relut cette lettre. Il l'examina longuement et interrogea les deux messagers qui l'avait portée, sur les personnes qui s'étaient associées à sa rédaction et la rédaction du pacte qu'elle renfermait. La lettre lui paraissait tout à fait satisfaisante. Elle équivalait à une prestation de serment d'allégeance effective et à un pacte. Elle traduisait aussi une appréciation de la situation et une incitation à sa venue rapide à Kûfa.

              Cette lettre lui permit de se fixer sur son point de départ. Toutefois, comme nous l'avons vu plus haut, al-Hussayn ne voulait pas se précipiter, en raison de la mauvaise expérience des Ahl-ul-Bayt avec les Irakiens. Aussi décida-t-il de se faire précéder par un délégué, un représentant qui lui préparerait le terrain, aplanirait les éventuelles difficultés, et surtout étudierait de plus près la situation et lui en ferait part avec précision, afin qu'il puisse prendre lui-même en conséquence la décision définitive qui s'imposerait.

              Une tâche aussi difficile, exigeait un homme d'une fidélité insoupçonnable envers al-Hussayn, envers le Message et envers la Umma, ainsi que bien d'autres qualités. Le choix d'al-Hussayn se porta sur son cousin, Muslim Ibn 'Aqil. Il lui fit part de sa décision et de la tâche qu'il entendait lui confier. Il le mit au courant de la teneur des messages qu'il avait reçus des gens de Kûfa, et lui expliqua la nature du travail qui l'attendait, en tant que son ambassadeur et son représentant. Les quelques mots suivants résument assez bien ce qu'al-Hussayn attendait de son cousin et messager, Muslim Ibn 'Aqil:

              «Va à la rencontre des gens de Kûfa pour voir. Si ce qu'ils m'ont écrit est vrai, fais-le-moi savoir afin que je te suive...»

              Muslim Ibn 'Aqil, accompagné de ses hommes et de deux guides, quitta la Mecque pour Kûfa, vers la mi-Ramadan de l'an 60 hégirien. Le voyage était long, difficile et périlleux. L'été battait son plein: il fallait traverser des déserts arides, supporter la chaleur brûlante du soleil. Les deux guides moururent à mi-chemin, et Muslim Ibn 'Aqil fut contraint de s'arrêter et d'envoyer un messager à al-Hussayn pour lui faire part de la difficulté du trajet et de son désir d'abandonner cette entreprise périlleuse.(93) La réponse d'al-Hussayn ne tarda pas à arriver: il faut poursuivre le voyage. Muslim Ibn 'Aqil s'exécuta et continua son chemin. Il arriva à destination le cinq Chawwâl. Là, il s'installa dans la maison de Mukhtâr Ibn 'Obaida al-Thaqafi et en fit le siège de ses activités politiques à Kûfa.

              Les délégations commencèrent à affluer vers lui, lui exprimant leur joie et leur satisfaction de son arrivée et de celle attendue d'al-Hussayn, et renouvelant leur allégeance et leur soutien à ce dernier. Les gens pleuraient de joie lorsque Muslim Ibn 'Aqil leur lisait le message d'al-Hussayn et l'annonce de sa venue prochaine.

              Muslim Ibn 'Aqil multiplia les contacts avec les gens et continua à mobiliser les Musulmans pour la cause défendue par al-Hussayn, jusqu'à ce qu'il se fût assuré que le nombre d'hommes prêts à se battre pour elle ait atteint environ 18,000 combattants. Une fois assuré du nombre suffisant de combattants, et de la sincérité du soutien des musulmans de Kûfa à l'Imam al-Hussayn, il écrivit à ce dernier pour lui brosser un portrait réel de la situation dans cette province de la nation islamique, et lui conseiller de venir.

              L'avènement de Muslim à Kûfa continua à susciter un climat d'effervescence populaire et un courant d'opposition affichée, de plus en plus agité et de plus en plus menaçant pour le pouvoir central et ses représentants dans cette ville.

              Le gouverneur de Kûfa, al-Nu'mân tenta de pallier pacifiquement à la situation, mais en vain. Cette attitude pacifique face à une volonté populaire résolument hostile aux Omayyades ne plut pas aux agents et partisans du pouvoir, car ils craignaient sérieusement de perdre les privilèges économiques, politiques et sociaux dont ils jouissaient au détriment des masses populaires. Aussi, l'un d'eux ('Abdullah Ibn Muslim), écrivit-il à Yazid un rapport détaillé sur l'évolution dangereuse de la situation et lui conseilla de destituer al-Nu'mân qu'il accusa de faiblesse et de manque de fermeté, et de le remplacer par un élément rompu aux méthodes de la terreur et de la répression pour pouvoir rétablir le prestige du Pouvoir. D'autres agents omayyades(94) envoyèrent des rapports similaires à la capitale califale. Dans son rapport, ledit 'Abdullah Ibn Muslim écrivait notamment:

              «Muslim Ibn 'Aqil est venu à Kûfa. Les chutes ont prêté devant lui, serment d'allégeance à al-Hussayn Ibn 'Ali Ibn Abi Tâlib. Si tu tiens encore à Kûfa, envoies-y un homme fort capable d'exécuter tes ordres et de faire ce que tu fais avec tes ennemis. Al-Nu'mân est un homme faible, ou bien il fait montre de faiblesse».(95)

              Lorsque Yazid reçut cette lettre ainsi que d'autres messages alarmants, il se mit à la recherche d'un homme sans scrupules, habitué à la terreur, aimant le pouvoir à tout prix, dévoué aux Omayyades et haineux à l'égard des Ahl-ul-Bayt.

              Ses recherches dans ce sens le conduisirent à 'Obeidullah Ibn Ziyâd, gouverneur de Basrah à l'époque. Le facteur déterminant dans ce choix fut l'opinion favorable de Serjoun, maître de Mu'âwîyah. Serjoun dit à Yazid que Mu'âwîyah avait écrit de son vivant une promesse de nomination de 'Obeidullah comme gouverneur de Kûfa, qu'il conservait cette lettre dont le contenu n'était pas encore exécuté et qu'il était temps de le faire, puisque personne d'autre n'était aussi dévoué que lui au trône omayyade. Yazid décida, sans plus attendre, de notifier à l'intéressé, qui occupait la fonction de gouverneur de Basrah (en Irak), son affectation à Kûfa. Il lui écrivit à cet effet une lettre dans laquelle il lui ordonna de mettre Muslim Ibn 'Aqil hors d'état de l'inquiéter, par tous les moyens:

              «... Mes partisans à Kûfa m'ont écrit pour me dire qu'Ibn 'Aqil y rassemble les masses populaires pour faire scission au sein des Musulmans. Dès que tu auras lu cette lettre, va à Kûfa... pourchasse Ibn 'Aqil jusqu'à ce que tu le captures. Après quoi, enferme-le, tue-le ou bannis-le...».(96)


              **********************************

              Relâchement et retournement de la situation

              A peine 'Obeidullah Ibn Ziyâd reçut-il le message de Yazid Ibn Mu'âwîyah, il partit le lendemain pour Kûfa, déterminé qu'il était de devancer les événements et de prendre de court les opposants et leurs dirigeants.

              Sachant sans doute que la plupart des Kufites (les habitants de Kûfa) n'avaient pas vu personnellement al-Hussayn et ne connaissaient donc pas ses traits physiques, il dissimula son visage et se coiffa d'un turban noir lorsqu'il entra à Kûfa. Les habitants de cette ville l'ayant pris pour al-Hussayn, lui réservèrent un accueil chaleureux en scandant à son passage: «Bienvenu! Fils du Messager de Dieu...»(97)

              'Obeidullah n'apprécia pas l'attitude des Kûfites et la joie qu'ils exprimèrent en le croyant al-Hussayn. Cet accueil et les comportements de la population lui permirent de jauger l'attachement de celle-ci à al-Hussayn, et l'impopularité de son commanditaire Yazid dans cette ville. Son compagnon Muslim Ibn 'Amr al-Bâhili, irrité par ce spectacle, et voulant couper court à la joie inopportunément exprimée par la population en faveur d'al-Hussayn, s'écria à son intention: «Reculez, c'est l'Emir 'Obeidullah Ibn Ziyâd».(98)

              Mais le malentendu demeura alors que 'Obeidullah et ses hommes se dirigeaient vers le Palais du Gouverneur encore occupé par al-Nu'mân. Lorsque le cortège parvint à la porte du Palais, entouré de la population qui persistait à prendre 'Odeidullah pour al-Hussayn, al-Nu'mân fut pris de panique en se méprenant également sur la personne de l'arrivant. Aussi se mit-il à l'implorer, à travers un créneau du Palais, de partir, de s'en aller:

              «Je te conjure, par Dieu, de t'éloigner. Je ne te délivrerai pas le dépôt qui m'est confié, et je n'ai pas besoin de te combattre...».(99)

              'Obeidullah Ibn Ziyâd garda le silence et continua de s'approcher du Palais. Al-Nu'mân, agité, observait l'arrivant et la foule. Il finit par reconnaître la véritable identité de l'étranger. Il ouvrit la porte au nouveau maître du Palais, lequel ne perdit pas de temps et passa la nuit à penser aux mesures urgentes qu'il devrait prendre dès le lever du soleil.

              Le lendemain, à l'aube, il surprit la population en appelant, du Palais, à la prière. Lorsque les foules se rassemblèrent, il leur tint un discours dans lequel il faisait miroiter aux loyalistes du gouvernement, des perspectives alléchantes, et il promettait aux opposants un sort peu enviable. Il conclut son discours par ces termes menaçants: «Mon fouet et mon épée s'appliqueront sur quiconque aura désobéi à mes ordres...».(100)

              Puis il imposa aux assistants la charge ingrate d'espionner pour le gouvernement et de dénoncer les opposants, en les menaçant des plus sévères représailles s'ils refusaient de coopérer dans ce sens:

              « ... celui qui nous en amène (les opposants parmi ses connaissances) sera quitte... et celui qui ne le ferait pas, qu'il nous garantisse qu'aucune de ses connaissances ne s'opposera à nous. Autrement, il sera déchu de tous ses droits (civils et humains) et nous disposerons, à notre guise, de son sang et de ses biens. Quiconque aura trouvé parmi ses connaissances des gens recherchés par Amir al-Mu'minîn (Yazid) et ne l'aura pas dénoncé à nous, sera crucifié sur sa porte et sa famille sera privée de ses dons (al************************s)».(101)

              En instituant la délation et en imposant l'espionnage quotidien et familial, en généralisant et en banalisant la répression, la torture et toutes sortes de pression, et en recourant aux pots-de-vin et aux attributions illégales, le pouvoir de 'Obeidullah put consolider sa position et passer à la contre-attaque en préparant une campagne de propagande, de dénigrement et de désinformation contre la Révolution d'al-Hussayn et de ses partisans. Dans ce climat de répression, de peur, d'incertitude et de doute, la position du représentant d'al-Hussayn, Muslim Ibn 'Aqil fut sérieusement ébranlée par la défection de ses partisans. Et on assista à un vrai retournement de la situation.

              Muslim Ibn 'Aqil fut contraint de changer sa méthode d'action et de se cantonner dans la clandestinité. Il changea d'adresse et quitta sa maison habituelle (chez al-Mukhtar Ibn 'Obeidah al-Thaqafi) pour s'installer secrètement chez le leader kufite des partisans d'Ahl-ul-Bayt, Hâni Ibn 'Orwah, loin des regards des autorités et de leur persécution. Mais le service des renseignements du gouvernement finit par connaître sa cachette. Les autorités décidèrent de frapper leur coup discrètement et d'éviter toute action de nature à provoquer des troubles qu'elles ne pourraient pas maîtriser. 'Obeidullah Ibn Ziyâd envoya chez Hâni Ibn 'Urwah une délégation qui l'invita à se rendre au Palais pour dégeler le froid qui marquait ses relations avec le nouveau gouverneur.

              Lorsque Hâni entra dans le Palais à la suite de cette invitation, il fut surpris de se trouver face à une sorte de tribunal, assisté par des témoins-espions. On l'accusa de participer à la résistance, à l'action armée des opposants, à la collecte de fonds et d'armes et au recrutement de partisans pour l'opposition, ainsi qu'à un complot dirigé contre le régime en place. Hâni tenta de nier ces accusations pour protéger Muslim Ibn 'Aqil qui se trouvait toujours chez lui. Mais il n'eut pas le temps de le faire. En effet 'Obeidullah Ibn Ziyâd s'élança contre lui et se mit à le frapper avec une barre de fer. Il l'enferma par la suite dans une chambre du Palais sous une surveillance sévère.

              La nouvelle de l'emprisonnement de Hâni Ibn 'Orwah se répandit hors du Palais et parvint à sa tribu, les Mad-haj, lesquels encerclèrent la Résidence du Gouverneur (le Palais). Ibn Ziyâd, assiégé, ne put que ruser et manoeuvrer. Il demanda au juge qui se trouvait dans le Palais de sortir et de calmer les assaillants en les assurant du sort de leur chef et du bon traitement qu'il recevait. Ceux-ci se dispersèrent et le drame fut évité de justesse.

              Dans ce climat explosif et d'incertitude, les autorités faisaient circuler des rumeurs qui allèrent bon train: «Une armée colossale eut été sur le point d'arriver de Damas pour soutenir le pouvoir, exterminer les opposants et anéantir Muslim Ibn 'Aqil et ses partisans!» La peur et le découragement ne tardèrent pas à entamer sérieusement la volonté des opposants et à s'emparer de l'opinion publique.

              Muslim Ibn 'Aqil qui observait la situation de très près, décida de lancer une offensive contre le Palais pour s'en emparer et en finir avec le gouverneur de 'Obeidullah Ibn Ziyâd. Il rassembla ses hommes et encercla à son tour le Palais. 'Obeîdullah Ibn Ziyâd et ses partisans qui étaient inférieurs en nombre aux assaillants, se cloîtrèrent dans le Palais. Le Gouverneur assiégé envoya quelques-uns de ses agents pour s'infiltrer dans les rangs des nouveaux assaillants et de la foule, dans l'intention d'y créer un climat de peur, de doute et de suspicion, et de gagner du temps. Ils réactivèrent la rumeur de l'arrivée imminente de l'armée de Damas et feignirent de se soucier de préserver la paix et la sécurité de la ville et d'éviter l'effusion de sang. Leur stratagème ne tarda pas a s'avérer astucieux. Les hommes de Muslim commencèrent à se disperser et à se démobiliser. A la tombée de la nuit, lorsque celui-ci se dirigea vers la mosquée il n'y avait guère plus de 10 hommes sur les 4 mille combattants qui l'avaient suivi au départ de sa marche sur le Palais.(102) Lorsqu'il termina sa prière du crépuscule il fut surpris de ne voir personne derrière lui pour le guider ou l'héberger dans ce pays étrange et étranger.(103)

              Cette situation dramatique et poignante ne terrifia pas cet étranger qui se trouva subitement esseulé, abandonné par ses partisans, suivis par les espions du Pouvoir et traqué par ses agents. Il sortit de la mosquée avec un seul souci majeur: trouver le moyen de prévenir al-Hussayn pour lui éviter de tomber dans les pièges de la trahison. Il traversa les rues désertes de cette ville plongée dans la peur. Il marchait sans savoir où aller. Son chemin le conduisit près d'une porte où il vit une femme nommée Taw'ah. Il s'arrêta là, et, désemparé et timide, il lui demanda de l'eau. Après l'avoir bue, il s'assit là, ne sachant pas vers où il devait poursuivre cette marche sans but. Ses apparences d'étranger, et son air désemparé poussèrent la femme à lui demander:

              «N'as-tu pas bu l'eau?

              - Si, dit-il.

              - Pourquoi ne t'en vas-tu pas? insista la femme, perplexe.

              - Je suis étranger ici. Je n'y ai ni maison ni famille. Je suis Muslim Ibn 'Aqil, l'ambassadeur et le messager d'al-Hussayn à Kûfa. Je suis aussi son cousin».

              Taw'ah lui ouvrit la porte et le laissa se cacher pour la nuit dans sa maison.(104)

              Entre temps lorsque 'Obeidullah Ibn Ziyâd apprit la nouvelle de la défection des hommes de Muslim avant et pendant la prière du Crépuscule (Maghrib), il ordonna au muezzin de demander aux gens de se rassembler impérativement dans la mosquée pour la prière de la Nuit, et de les prévenir que quiconque ne répondrait pas à l'appel n'aurait pas la vie sauve.

              Les foules affluèrent donc vers la mosquée sous l'effet de la peur. Après avoir guidé la prière devant elles, 'Obeidullah Ibn Ziyâd prononça un discours chargé de menaces pour les assistants et d'injures contre Muslim. Il s'adressa ensuite au directeur de la police de la ville et lui ordonna sèchement de perquisitionner dans toutes les maisons jusqu'à ce qu'il arrête Muslim Ibn 'Aqil.

              Le hasard a voulu que le fils de Taw'ah, apprenne que Muslim se cachait chez sa mère. La peur d'une part et la récompense alléchante de l'autre, le conduisirent à dénoncer Muslim.

              Le lendemain matin 70 hommes parmi les agents de 'Obeidullah encerclèrent la maison de Taw'ah et commencèrent à s'y infiltrer. Muslim Ibn 'Aqil leur opposa une résistance farouche. Ils se mirent à jeter sur la maison, des pierres et des flammes pour l'obliger d'en sortir. Il sortit, l'épée à la main, malgré ses blessures. Il continua de résister. Les attaquants qui remarquèrent ses graves blessures, lui dirent: «Cesse de résister, tu vas te faire tuer. Tu as la vie sauve». Mais dès qu'il cessa sa résistance, ils l'entourèrent, le désarmèrent, le mirent sur une mule et le conduisirent au Palais. Là, 'Obeidullah Ibn Ziyâd ordonna qu'on le décapitât et qu'on jetât son corps et sa tête du haut du Palais.

              Puis les bourreaux ne tardèrent pas à conduire Hâni Ibn 'Orwah qui avait hébergé Muslim Ibn 'Aqil chez lui, au marché des moutons de Kûfa pour lui couper la tête. Ils expédièrent les têtes de ces deux premiers martyrs de la Révolution d'al-Hassayn à Damas, pour y être remises entre les mains de Yazid Ibn Mu'âwîyah. Quant aux corps, les vigiles de 'Obeidullah les attachèrent avec des cordes et les traînèrent dans les ruelles de Kûfa pour terroriser les gens et servir d'exemple.


              ********************************

              Vers Karbalâ'

              Avant le retournement de la situation à Kûfa, et alors que l'enthousiasme et l'ardeur populaires des Kufites pour la cause d'al-Hussayn et sa venue dans cette ville, étaient à leur zénith, Muslim Ibn 'Aqil avait écrit à son cousin pour confirmer la volonté réelle de la population de défendre sa Révolution et de la soutenir.

              Al-Hussayn n'attendait que cette lettre pour quitter la Mecque et entrer dans la phase active da sa Révolution. Aussi, dès qu'il reçut le message de Muslim, il rassembla ses femmes et enfants, ses neveux et nièces, ainsi que ses cousins, et s'apprêta à quitter la ville en direction de Kûfa. Mais ses amis, ses partisans et ses proches tentèrent là encore de le dissuader d'entreprendre ce voyage en arguant des différents inconvénients que représentait une entreprise aussi incertaine. Mais al-Hussayn resta inébranlable. Pourtant, ceux - comme 'Omar Ibn 'Abdul Rahmân Ibn Harith Ibn Huchâm, Muhammad Ibn al-Hanafiya (le frère d'al-Hussayn), 'Abdullah Ibn 'Abbas (son cousin) et 'Abdullah Ibn Ja'far al-Tayyâr - qui lui conseillaient avec tant d'insistance d'abandonner ce projet plein d'embûches, n'étaient pas n'importe qui; ils savaient ce qu'ils avançaient et connaissaient bien la gravité de la situation d'al-Hussayn. Leurs craintes n'étaient pas passionnelles, mais bien réelles et bien fondées. Et mieux, al-Hussayn le savait très bien lui aussi. C'est pourquoi lorsqu'il refusait de répondre positivement à leurs conseils, il n'essayait guère de récuser leurs arguments, et encore moins de les contredire. Seulement, il leur opposait une vision différente de la situation et de la mission qu'il devait accomplir.

              En fait, mis à part leur crainte sentimentale compréhensible pour sa vie, ses proches amis appréhendaient deux dangers objectifs concernant l'avenir de sa cause qui était également la leur:

              1- Ils avaient peur que la Umma perde la direction missionnaire - par la perte d'al-Hussayn - et que cela crée un vide doctrinal qui permettrait au pouvoir de Yazid de mener à sa guise le destin des Musulmans et l'avenir du Message. Cette appréhension transparaît dans les propos que 'Abdullah Ibn Muti' adressa à al-Hussayn, en guise de mise en garde, lorsque ce dernier était venu lui faire ses adieux avant son départ:

              «S'ils te tuaient, ils ne craindraient plus personne après toi. Et, par Dieu, l'immunité de l'Islam serait violée».(105)

              2- ************uant la victoire en termes de prise de pouvoir et de triomphe militaire, ils craignaient que l'entreprise d'al-Hussayn ne puisse pas assurer dans les circonstances actuelles une telle victoire.

              En revanche al-Hussayn ne considérait pas les choses en politicien ni en un simple homme politique avisé, mais en missionnaire ayant vécu dans le giron du Messager de Dieu et de l'Imam 'Ali, élevé dans une atmosphère de révélation et de prédiction, et investi d'une mission divine en tant qu'héritier du Prophète, continuateur de son action, et gardien du Message qu'il avait apporté. Il se préoccupait moins de l'issue immédiate de sa Révolution que de l'avenir d'un Message qui devrait s'étendre au restant de la vie de l'humanité.

              Ainsi, alors que les proches et les partisans d'al-Hussayn pensaient que sa présence constituait dans les circonstances actuelles une nécessité historique, al-Hussayn, lui, pensait que c'étaient le sacrifice de sa vie et son martyre qui s'imposaient et qui marquerait bénéfiquement tout l'avenir de la Umma. Alors qu'ils pensaient que l'incapacité d'al-Hussayn de balayer actuellement le régime omayyade par la force armée, devait l'inciter à reculer et à renoncer à la confrontation, al-Hussayn, lui estimait que faute de force armée et de solution militaire, il devait offrir son sang et sa vie, dont les échos traverseraient les horizons de l'histoire et susciteraient pour toujours l'esprit de martyre qui ébranlerait les trônes de tous les tyrans à venir et dont il voyait l'incarnation actuelle dans le régime omayyade.

              En un mot, alors que les interlocuteurs et amis d'al-Hussayn ne voyaient la victoire qu'en termes de conquête militaire, al-Hussayn, lui, considérait que la seule victoire valable consistait à ce moment-là à défendre à tout prix la vérité et à réorienter la marche de la Umma vers la voie que le Prophète lui avait tracée.

              On comprend dès lors pourquoi les raisonnements tenus par les interlocuteurs d'al-Hussayn qui lui demandaient de renoncer à sa marche vers Kûfa, et les réponses qu'il leur donnait paraissaient se situer sur deux ondes tout à fait différentes, et traduisaient en fait, la différence profonde des soucis et des préoccupations respectives des deux parties.

              Ainsi lorsque 'Abdullah Ibn Ja'far al-Tayyâr obtint de 'Amr Ibn Sa'ïd Ibn al-'Âç, représentant de Yazid à la Mecque la promesse de ne pas inquiéter al-Hussayn s'il restait dans cette ville, et qu'il parla de cette promesse à l'intéressé, celui-ci (al-Hussayn), lui dit:

              «J'ai fait un rêve dans lequel j'ai vu le Messager de Dieu, et reçu de lui l'ordre de faire quelque chose que je vais exécuter jusqu au bout».

              Lorsque son interlocuteur lui demanda quelle était la teneur de ce rêve, il répondit:

              «Je n'en ai parlé à personne, et je n'en parlerais pas jusqu'à ce que je rencontre mon Seigneur».(106)

              Il est clair qu'al-Hussayn loin de se soucier d'avoir la vie sauve, était conscient du sort qui l'attendait, et se préparait à affronter courageusement le destin que son grand-père et son père lui avaient prédit.

              Et lorsque 'Abdullah Ibn al-Zubayr le conjura de ne pas quitter la Mecque pour Kûfa, il lui répondit:

              «Mon père m'a dit qu'elle (la Mecque) aura un bouc(107) par lequel on violera son immunité (de cette ville). Or, je ne voudrais pas être ce bouc».(108) Et d'ajouter:

              «Par Dieu j'aimerais mieux être assassiné à un empan de la Mecque qu'à l'intérieur (de cette cité); et à deux empans d'elle, qu'à un empan(109). Par Dieu, même si j'étais dans le nid de l'une de ces chouettes, ils(110) m'en sortiraient pour obtenir de moi ce qu'ils veulent».(111)

              Al-Hussayn quitta la Mecque, le 8 Thil Hijja de l'an 60 hégirien et prit le chemin de Kûfa. Le gouverneur de Hejâz, 'Omar Ibn Sa'ïd Ibn al-'Âç, ayant appris la nouvelle de son départ, envoya quelques hommes à sa poursuite pour lui couper la route. Une échauffourée eut lieu entre les deux parties, et les hommes de 'Omar Ibn Sa'ïd furent contraints de rebrousser chemin.

              Alors qu'il poursuivait sa route, al-Hussayn rencontra le célèbre poète arabe (al-Farazdaq) et lui demanda de lui donner une idée de la situation en Irak lors de son départ. Le poète répondit:

              «Les gens y sont avec toi de coeur, mais leurs épées sont plutôt du côté des Omayyades. Après tout, le destin se décide au Ciel, et Dieu fait ce qu'IL veut».

              Al-Hussayn acquiesça:

              «Tu as raison. Le destin est entre les mains de Dieu, et IL fait ce qu'IL veut. Chaque jour notre Seigneur prend la Décision qu'IL juge bonne. Si cette Décision coïncide avec ce que nous aimons, nous remercions Dieu pour Ses bienfaits. C'est Lui qui est notre Soutien. Et si la Décision ne coïncidait pas avec notre souhait, nous n'aurions pas commis une transgression, tant que notre intention est de servir la vérité, et que la crame révérencielle nous habite».(112)

              Cet avertissement n'a pas découragé al-Hussayn de continuer son avance en direction de Kûfa. Au fur et à mesure qu'il progressait, son cortège grossissait, et à chaque point d'eau où il s'arrêtait, il voyait des bédouins venir se joindre à lui.

              Lorsque 'Obeidullah Ibn Ziyâd, le gouverneur de Kûfa fut mis au courant de la marche d'al-Hussayn sur sa ville, il mobilisa ses hommes et établit un plan en vue d'arrêter ou d'entraver cette marche qui, si elle arrivait à destination, pourrait menacer tout le pouvoir omayyade. Il confia l'exécution de son plan au directeur de sa police, Huçine Ibn Namir al-Temimi. Celui-ci rassembla ses hommes et choisit pour quartier général une position stratégique située sur l'itinéraire qu'al-Hussayn suivrait pour venir à Kûfa. Cette position dont il fit son quartier général s'appelait al-Qadisiyya. Il établit une ligne militaire entre Qadisiyya et Khaffan, et une autre entre Qadisiyya et Qatqatâna, et étendit la présence de ses forces jusqu'à la montagne de La'la'.

              Al-Hussayn s'approchait de plus en plus de son objectif. Lorsqu'il arriva à un endroit qui s'appelait al-Hâjir, il écrivit une lettre à l'intention des Kufites, leur annonçant son arrivée imminente et exaltant leur ardeur révolutionnaire. Il confia ce message à un compagnon, Qaïs Ibn Mes-her al-Çaydâwi, lequel se hâta en direction de Kûfa. Mais sa mission ne put être accomplie, car il fut arrêté par les forces de Huçine, disséminées aux environs de Qadisiyya, et conduit à 'Obeidullah Ibn Ziyâd, lequel lui demanda de monter à la tribune et d'injurier al-Hussayn. Fidèle inébranlable d'al-Hussayn, il monta sur la tribune, et au lieu de proférer des injures à l'encontre de ce dernier, il appela les gens à le soutenir, et attaqua courageusement et violemment 'Obeidullah Ibn Ziyâd. Celui-ci ne put supporter ce camouflet et ordonna qu'on le jette du haut du Palais jusqu'à ce que la mort s'en suive.

              Alors que la situation de ses partisans (d'al-Hussayn) continuait à se dégrader à Kûfa après l'assassinat de Muslim Ibn 'Aqil, de Hani Ibn 'Urwah et du dernier messager qu'il venait d'envoyer, al-Hussayn n'en sut rien. Aussi dépêcha-t-il un nouveau messager, 'Abdullah Ibn Yaqter(113)

              pour s'informer de la situation. Entre temps, al-Hussayn apprit à al-Tha'labiya le sort tragique de Muslin Ibn 'Aqil. Mais il était trop tard pour sauver le nouveau messager, lequel tomba lui aussi aux mains des soldats de Huçine près de Qadisiyya et fut conduit à 'Obeidullah Ibn Ziyâd qui lui demanda, comme il l'avait fait avec son prédécesseur, de monter sur la tribune et d'injurier al-Hussayn.

              Mais comme son prédécesseur, 'Abdullah Ibn Yaqter monta sur la tribune pour injurier 'Obeidullah et annoncer l'arrivée prochaine d'al-Hussayn. 'Obeidullah, excédé là encore, ordonna qu'on lui réserve le même traitement qu'avait subi son prédécesseur. Il fut ainsi jeté du haut du Palais. Et comme il présentait encore quelques signes de vie après sa chute, un bourreau lui donna le coup de grâce en lui coupant la tête d'un coup d'épée. Quand al-Hussayn apprit cette dernière nouvelle, il rassembla sa famille et ses compagnons et leur dit:

              «Nos partisans nous ont abandonnés. Ceux qui veulent s'en aller, peuvent le faire. Ils n'ont pas d'obligation envers nous».

              Tous ceux qui avaient rejoint le cortège sur la route, se dispersèrent à gauche et à droite, et il ne resta avec al-Hussayn que ceux qui l'accompagnaient depuis la Mecque.(114)

              Al-Hussayn passa cette nuit de deuil et de désolation à penser à ses partisans tragiquement assassinés au champ d'honneur, et à réfléchir sur l'avenir de son mouvement et de la Umma. A l'aurore; le cortège se mit en marche, traversant les sentiers arides du désert, cheminant vers un avenir inconnu et confiant son sort entre les mains de Dieu.

              Cette marche pénible et angoissante se poursuivit jusqu'à ce que le soleil se soit éclipsé. Le cortège parvint alors à un endroit appelé Charâf. On y passa la nuit. Le lendemain matin, al-Hussayn et ses compagnons reprirent leur marche, et au fur et à mesure qu'ils avançaient, le soleil cuisant de midi devenait insupportable. L'un des marcheurs vit de loin de grandes surfaces noires et aperçut de vagues mouvements. Croyant voir s'approcher les fermes et les dattiers d'Irak, il s'écria: «Allahu Akbar». Tout le monde fit de même.

              En fait il ne s'agissait ni d'arbres ni de fermes, mais d'unités militaires en marche, des soldats, des chevaux, des lances, des drapeaux... tramant une mer de poussière.

              Grande fut la surprise pour al-Hussayn et ses compagnons trop peu nombreux et non préparés. Comment livrer bataille dans un terrain découvert contre cette grande armée venue vers eux de Qadisiyya?

              Après concertation, on décida de se retrancher sur un mont qui se trouvait près de leur position. Dès qu'ils firent mouvement vers cet objectif, l'armée ennemie, forte de mille hommes et commandée par al-Hor al-Riyâhi, se précipita vers ce même objectif stratégique, malgré la chaleur infernale du soleil, la fatigue et la soif dont souffraient les hommes et les chevaux. Al-Hussayn et ses compagnons réussirent cependant à y arriver les premiers; mais ils furent rejoints presque au même moment par l'armée de Hor. Tout en ordonnant à ses hommes de défendre leurs positions, al-Hussayn, voyant les soldats et les bêtes de l'armée ennemie dans un état d'épuisement et de fatigue manifestement insupportables, leur offrit à boire.

              Après ces quelques minutes de repos et de rafraîchissement, al-Hussayn constate que c'était l'heure de la prière de Midi, appela tout le monde(115) à se diriger vers la Mecque pour la prière. Après l'Appel à la Prière, lancé par l'un de ses hommes, il fit un prône dans lequel il expliqua ses principes à l'Hor et à ses soldats, leur rappela le contenu de leurs messages de soutien, et leur demanda de respecter leurs paroles et leurs promesses.(116) Tout le monde garda le silence, et personne ne répondit à ce rappel. Al-Hussayn conduisit la prière et les deux camps prièrent derrière lui. Après quoi, les deux troupes restèrent face à face, mais sans aucun geste de provocation.

              Plus tard al-Hussayn accomplit la prière de l'Après-midi et s'apprêta à partir avec ses hommes. Il fit un deuxième discours à l'intention de l'adversaire et vida en guise de rappel deux sacoches pleines de lettres que les Irakiens lui avaient envoyées pour le prier de venir les diriger. Mais al-Hor ne fléchissait pas et entendait empêcher al-Hussayn de poursuivre sa route vers Kûfa. Il lui déclara qu'il avait reçu l'ordre de le conduire à Kûfa et de ne pas le lâcher avant de l'amener à 'Obeidullah.

              Al-Hussayn lui dit: «Mais tu seras mort avant d'y arriver». Et il ordonna à ses compagnons: «Partons». Ses hommes enfourchèrent leurs montures et attendirent que les femmes et les enfants fussent prêts au départ. Là, al-Hor et ses soldats leur barrèrent la route. Al-Hussayn perdit patience, se fâcha contre al-Hor et lui dit:

              - «Que veux-tu?»

              - «Je veux te conduire au gouverneur, 'Obeidullah», répondit-il.

              - «Alors, par Dieu je ne te suivrai pas», jura al-Hussayn.

              - «Alors, par Dieu je ne te quitterai pas», rétorqua al-Hor.

              Alors que les échanges de propos devenaient de plus en plus virulents, al-Hor finit par se montrer plus conciliant et proposa un compromis au petit-fils du Prophète en lui disant: «Je n'ai pas reçu l'ordre de te combattre, mais seulement de ne pas te quitter jusqu'à ce que tu acceptes de me suivre à Kûfa. Si tu refuses de le faire, alors prends n'importe quel chemin, pourvu qu'il ne te conduise ni à Kûfa ni à Médine. Accepte ce compromis provisoire entre nous jusqu'à ce que j'écrive au gouverneur 'Obeidullah. Peut-être Dieu m'évitera-t-IL de faire quoi que ce soit contre toi...».

              Al-Hussayn accepta le compromis et prit une route qui se situait à gauche de celle qui conduisait à Qadisiyya. Al-Hor lui dit encore: «Ô al-Hussayn, je te rappelle encore de penser à ta vie, car j'affirme que si tu combats, tu seras tué».

              «Crois-tu pouvoir me faire peur de la mort?, lui répondit al-Hussayn. Seriez-vous donc si sinistres pour m'assassiner? A cela je ne répliquerais qu'en faisant miens ces quelques vers que le frère d'al-Aws récita à son cousin qui voulait l'empêcher de soutenir le Prophète dans son combat et lui prédisant la mort:

              "Je pars, car ce n'est pas une honte pour un jeune de mourir, si son intention est bonne et qu'il combat en Musulman; Et que, par le sacrifice de sa vie, il console les hommes droits, disperse les gens maudits et s'oppose à un criminel".

              »Si je survivais, je n'aurais rien à regretter (de mon engagement), et si je mourais, je ne serais pas blâmé. Quant à toi, assez de vivre humilié et d'être insulté».(117)

              En entendant ces vers qui traduisaient l'obstination d'al-Hussayn (d'aller jusqu'au bout de son combat) et sa résignation (devant la mort), al-Hor s'écarta avec son armée. Désormais les deux armées longeaient les deux côtés de la route qu'al-Hussayn avait consenti d'emprunter.

              Cette marche forcée avait l'air de plus en plus d'une course vers la destination finale. Mais quelle destination finale? Al-Hussayn ne semblait plus guère se faire d'illusion quant à la possibilité de voir se joindre à son cortège des renforts venant de ceux qui lui avaient écrit des milliers de lettres de soutien, il n'y avait pas si longtemps. Pourtant, il pressait les pas, accélérait la marche et ne se reposait que peu, comme s'il avait hâte d'atteindre son objectif final! Alors qu'il maintenait cette allure accélérée, il somnola un instant sur sa monture, puis se réveilla subitement et se mit à réciter deux ou trois fois ces paroles coraniques (que les fidèles prononcent généralement, lorsqu'ils sont frappés d'un malheur):

              «Nous sommes à Dieu et nous retournerons à Lui... Louange à Dieu, Seigneur des Mondes».

              Son fils, 'Ali Ibn al-Hussayn, l'entendit et s'approcha de lui:

              - «A quel propos as-tu récité ces paroles?

              - Mon fils!, dit al-Hussayn, alors que je faisais un petit somme, j'ai eu une vision dans laquelle un homme s'est approché de moi et m'a dit: "Les gens marchent et la mort vient vers eux". J'ai compris alors, que c'était de nous qu'il s'agissait.

              - Mais mon père, - que Dieu t'épargne tout malheur - ne sommes-nous pas dans le droit chemin?, questionna le fils.

              - Si!, répondit al-Hussayn. Par Celui à qui retournent les serviteurs!

              - Donc nous ne nous soucions pas de mourir dans le Droit Chemin!, insista 'Ali Ibn al-Hussayn.

              - Que Dieu t'accorde la meilleure récompense qu'un fils puisse obtenir pour sa bonne conduite envers son père, répondît al-Hussayn reconnaissant et satisfait».(118)

              Le cortège d'al-Hussayn, toujours suivi de près par l'armée de Hor Ibn Yazid al-Riyâhi, arriva à un village nommé Naynawâ. Là, les événements commencèrent à se précipiter. En effet al-Hor y reçut un message urgent et véhément contenant les instructions de 'Obeidullah Ibn Ziyâd pour ce qui concernait le traitement qu'il devait réserver à al-Hussayn:

              «Rends la vie difficile à al-Hussayn lorsque tu recevras cette lettre et mon messager. Ne le laisse camper que là où il n'y a ni eau ni verdure. J'ai ordonné à mon messager de na pas te quitter avant que tu exécutes mon ordre...».(119)

              Al-Hor, après avoir lu cette lettre, la montra à al-Hussayn. Celui-ci lui demanda alors de le laisser camper soit à Naynawâ, soit à al-Ghâdhiriyyah soit à Shafiyah. Al-Hor récusa cette requête, prétextant la peur des espions de 'Obeidullah dans son armée. Un compagnon d'al-Hussayn proposa alors à ce dernier de cantonner dans une région proche, appelée al-'Aqr. Mais al-Hussayn refusa, et se résolut à poursuivre sa marche vers Karbalâ' qu'il semblait fixer désormais comme destination finale.

              Avant que sa petite troupe ne se mette en marche vers cette destination finale, al-Hussayn lui tint le discours suivant:

              «Il nous est arrivé ce que vous pouvez vous-mêmes constater. Le monde a changé, s'est renié, et le bien s'est éclipsé... Il n'en reste que quelques égouttures pareilles aux égouttures d'un verre d'eau vidé, et la vilenie, comme dans un pâturage insalubre. Ne voyez-vous donc pas qu'on néglige le vrai et qu'on ne s'interdit plus réciproquement le faux? Que le fidèle pieux s'attache à rencontrer son Seigneur en étant sur le bon chemin. Car je ne vois la mort que comme un bonheur, et la vie avec les injustes que comme une source d'ennui et de lassitude»(120)



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              A suivre

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              • #8
                La Terre du Rendez-vous

                La poursuite de la marche d'al-Hussayn ne durera pas longtemps. En effet l'armée omayyade l'intercepta bientôt et l'obligea de s'arrêter. Al-Hussayn contempla l'endroit où sa troupe s'était immobilisée et demanda:

                «Comment s'appelle cette terre?

                - La terre de Taf, lui répondit-on.

                - N'a-t-elle pas d'autre nom?, insista-t-il.

                - Si, elle s'appelle Karbalâ', lui dit-on encore.

                Cette réponse semble être ce qu'il prévoyait justement. Il s'adressa à son Créateur et fit:

                «Ô mon Dieu! Je me protège auprès de Toi du KARB (affliction) et du BALÂ' (malheur)».

                Et d'ajouter: «C'est un lieu d'affliction et de malheur. Descendez de vos montures. C'est ici le terme de notre voyage, le lieu de l'effusion de notre sang et la place de nos tombeaux. C'est ce que m'a dit mon grand-père, le Messager de Dieu».(121)

                C'était un jeudi. Le 2 Muharram de l'an 61 hégirien,(122) jour de l'arrivée d'al-Hussayn à Karbalâ', terre qui restera pour toujours le symbole du martyre.

                Alors qu'al-Hussayn était désormais fixé sur ce qui l'attendait et se préparait à assumer jusqu'au bout la responsabilité qui lui incombait, les armées de 'Obeidullah s'affairaient à resserrer l'étau autour de lui. 'Obeidullan Ibn Ziyâd savait que livrer une bataille au petit-fils du Prophète n'était pas une tâche aisée pour un Musulman, et qu'il ne suffisait pas de mobiliser une armée colossale pour venir à bout du mouvement d'al-Hussayn. Aussi cherchait-il un homme ambitieux et sans scrupules pour lui confier le commandement de l'armée qui devrait vaincre al-Hussayn et ses hommes. Son choix s'arrêta sur 'Omar Ibn Sa'ad, lequel refusa tout d'abord cette mission. Mais après la menace de 'Obeidullah de lui retirer la promesse de le nommer gouverneur de Ray, il passa une nuit terrible, tiraillé entre son amour pour le pouvoir, et le souci de ne pas tremper dans un crime aussi abject qu'assassiner purement et simplement, celui qui n'hésitait pas à sacrifier sa vie pour la sauvegarde de l'Islam, et ce malgré sa haute position sociale auprès de tous les Musulmans.

                Il finit par céder non sans tourments, aux pressions de sa prédilection pour le pouvoir, puisqu'on l'entendit réciter les vers suivants alors qu'il s'apprêtait à annoncer sa décision favorable à la tâche dont l'avait chargé 'Obeîdullah:

                «Abandonnerais-je Ray, alors que Ray est mon désir? Ou bien, reviendrais-je honni pour avoir assassiné al-Hussayn? En le tuant, je subirais l'enfer, contre lequel il n'y a aucune protection. Mais d'un autre côté, Ray est la prunelle de mon oeil».(123)

                Il commanda alors une armée forte de 4.000 hommes et se dirigea vers Naynawâ où se situait son Quartier Général, tout près d'al-Hussayn.

                Lorsqu'il avança vers le camp d'al-Hussayn et l'encercla, ce dernier engagea des pourparlers avec lui. A la suite de plusieurs entrevues, 'Omar Ibn Sa'ad écrivit à 'Obeidullah Ibn Ziyâd pour lui faire parvenir une proposition à laquelle al-Hussayn avait souscrit et au terme de laquelle celui-ci accepterait de partir pour éviter une effusion de sang, si l'on levait le siège autour de son campement.

                Quand 'Obeidullah Ibn Ziyâd reçut la lettre du commandant de son armée, l'idée qu'elle renfermait ne lui déplut pas et il était sur le point d'ordonner son exécution lorsque al-Chemr Dul Jawchan qui vouait une haine noire envers al-Hussayn vint l'en décourager en lui faisant valoir que si le petit-fils du Messager parvenait à échapper au siège, il serait en position de force; et que par conséquent il valait mieux l'acculer dès à présent à se soumettre et à prêter serment d'allégeance. 'Obeldullah Ibn Ziyâd finit par accepter le conseil d'al-Chemr, à qui il confia une lettre en lui ordonnant de l'apporter à 'Omar Ibn Sa'ad:

                «Je ne t'ai pas envoyé vers al-Hussayn pour que tu le laisses en paix ou que tu lui souhaites la bonne santé et le bon séjour, ni pour que tu lui trouves des excuses, ou que tu intercèdes pour lui auprès de moi. Si al-Hussayn et ses hommes acceptent mon jugement et se soumettent, envoie-les-moi sains et saufs; et s'ils refusent, marche sur eux jusqu'à ce que tu les tues et que tu profanes leurs cadavres pour l'exemple, car ils l'auront mérité. Lorsque al-Hussayn sera tué, laisse les chevaux piétiner sa poitrine et son dos... Je ne pense pas que cela puisse faire mal après la mort... Si tu le tuais et le profanais de la sorte, tu auras obéi à nos ordres, et nous t'en récompenserons en tant qu'un homme docile et obéissant; mais si tu refusais, démets-toi de tes fonctions et du commandement de nos soldats, et fais-toi remplacer par al-Jawchan, à qui nous avons donné des instructions (dans ce sens)...».(124)

                'Omar Ibn Sa'ad reçut le messager du gouverneur de Kûfa et ouvrit le message qu'il lui apporta. En le lisant, il se vit une fois de plus confronté à un dilemme terrible entre l'exécution d'un crime impardonnable que l'humanité ne saurait oublier, et sa folie pour le pouvoir qu'il avait tant attendu. Une fois de plus, il ne put résister à la tentation du pouvoir, si encouragé et si sollicité sous le règne des Omayyades.

                Ainsi, le 7 Muharram, il ordonna à ses armées de faire mouvement vers le fleuve de l'Euphrate afin d'empêcher la famille du Prophète d'avoir accès à l'eau, et de l'acculer ainsi à mourir de soif ou à se rendre.

                Le jeudi 8 Muharram, les armées omayyades commencèrent à resserrer l'étau autour du campement d'al-Hussayn et à se rapprocher de ses tentes en se montrant de plus en plus agressives et menaçantes, les sabres et les lances prêts à l'usage. Aux mêmes moments, al-Hussayn était assis contemplatif devant sa tente, regardant l'étendue du désert d'al-Taf, ses yeux se promenant lentement sur les horizons lointains, et sa pensée plongée dans la perspective de la bataille imminente qui opposerait dans une scène historique et universelle le Bon droit au Faux.

                Plongé dans ses contemplations, al-Hussayn ne s'était pas rendu compte de l'approche des soldats omayyades. C'est sa soeur, Zaynab qui vint l'en informer:

                «N'entends-tu pas ces voix qui s'approchent?»

                A peine Zaynab l'eut-elle quitté, ce fut au tour d'al-'Abbas Ibn 'Ali, son frère, de venir l'alerter:

                «Mais mon frère...! L'armée ennemie vient vers toi...!»

                Al-Hussayn se leva. Il décida tout d'abord de jauger la situation et de sonder les intentions réelles des assaillants. Aussi demanda-t-il à son frère al-'Abbas de leur parler, de discuter avec eux pour savoir de quoi ils étaient capables et jusqu'où ils pouvaient aller dans leur guerre contre les descendants du Prophète. Al-'Abbas ne tarda pas à constater l'arrogance et le cynisme d'une armée de mercenaires, trop assoiffés de pouvoir et trop attachés aux dépouilles et à l'argent qu'on leur avait promis, pour être sensibles à une cause sublime qui ne semblait guère leur procurer ce qui correspondait à leur motivations matérialistes. Leur réponse fut sans appel:

                «Qu'al-Hussayn obéisse à l'ordre de l'Emir (le Gouverneur de Kûfa). Autrement, nous le combattrons».

                Devant cette réponse, al-Hussayn comprit que l'heure de la confrontation était imminente et qu'aucune solution ne pouvait être envisagée. Il savait qu il ne pouvait jamais revenir sur sa parole: «Quelqu'un comme moi, ne saurait prêter serment d'allégeance à quelqu'un comme lui (Yazid)». Il ne s'était jamais senti aussi proche de sa devise: «Je ne vois la mort que comme un bonheur, et la vie avec les injustes que comme une source d'ennui ». Les mots du discours qu'il avait adressé quelques jours avant, dans la région d'al-Baydha, à l'intention des armées omayyades pour leur expliquer le caractère religieusement obligatoire de sa bataille, retentissaient encore à ses oreilles:

                «Ô gens! Le Messager de Dieu a dit: "Celui qui voit un sultan injuste qui rend légal ce que Dieu a interdit, qui transgresse le pacte qu'il a conclu devant Dieu, qui dévie la Sunna du Messager de Dieu, qui agresse les Musulmans et commet des péchés contre eux, sans qu'il s'oppose à lui (à ce sultan) ni par une parole ni par une action, Dieu lui réservera obligatoirement le même traitement qu'IL réserve à ce sultan».(125)

                Or al-Hussayn ne cessait d'être conforté dans sa conviction que Yazid incarnait par excellence ce «sultan injuste» que tout Musulman avait le devoir et l'obligation (prescrit par le Prophète) de combattre.

                Sa décision définitive d'affronter la mort étant prise, al-Hussayn avait besoin de quelques heures de calme avant d'aller au rendez-vous de l'heure fatale. Aussi, envoya-t-il al-'Abbas vers Ibn Sa'ad et ses États-Majors, pour leur demander un délai de réflexion d'une nuit, et leur promettre une réponse définitive le lendemain (le dix Muharram).

                Après consultation, Ibn Sa'ad et ses lieutenants accédèrent à la demande d'al-Hussayn.



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                La Nuit de 'ACHOURA'

                Al-Hussayn n'a donc pas demandé ce délai de réflexion pour penser vraiment à sa réponse à l'ultimatum de Sa'ad Ibn Ziyâd, sa décision étant d'ores et déjà prise et irréversible. Il voulait ce délai pour passer une nuit de prières et d'invocations, une nuit d'adieu et de testament, une nuit de causerie avec la famille, les amis et les compagnons. En témoignent les instructions qu'il avait données à son frère al-'Abbas Ibn 'Ali lorsqu'il l'avait chargé de demander ce délai:

                «Retourne vers eux. Essaie de les retarder jusqu'à demain et de les éloigner de nous pendant cette nuit afin que nous puissions prier Dieu, L'invoquer et Lui demander pardon. Car IL sait que j'aimerais Le prier, lire Son Livre, multiplier mes invocations et mes demandes en pardon».(126)

                Avant le coucher du soleil al-Hussayn ayant obtenu le délai qu'il désirait, réunit ses compagnons et les membres de sa famille autour de lui et leur dit que l'ennemi n'en voulait qu'à lui seul, qu'ils pouvaient, quant à eux, se retirer et échapper à la mort, à la faveur de l'obscurité de la nuit. Mais personne n'accepta la proposition généreuse de l'Imam. Tout le monde était déterminé à rester, à se battre et à se sacrifier.

                A la tombée de la nuit, alors qu'un silence pesant régnait à l'extérieur, et que l'Univers entier paraissait s'enfoncer dans un sommeil profond, à l'intérieur, où la famille du Prophète passait une veillée d'armes, c'était une véritable fourmilière. Tout le monde était affairé, et occupé à quelque chose. Chacun y était en action: qui à prier, qui à invoquer Dieu, qui à faire ses adieux, qui à réciter le Coran, qui a implorer le pardon de Dieu, qui à demander que l'on prenne soin de sa famille, de ses enfants et de ses autres futurs orphelins, qui à aiguiser son épée, qui à préparer sa lance.

                Comment pouvaient-ils fermer les yeux alors qu'à quelques pas seulement des milliers de mercenaires féroces qui les entouraient semblaient impatients de dévorer leur proie? Comment pouvaient-ils dormir alors qu'un lendemain lugubre et sans lendemain s'avançait d'un pas pesant à chaque moment?

                La nuit de la trêve s'écoula, et l'aube annonça l'avènement de ce lendemain terrible. Un vendredi, jour de 'Âchourâ', le 10 Muharram. Au lever du jour, les lances et les sabres des soldats omayyades se dressèrent comme pour dévorer le corps d'al-Hussayn, et déchiqueter le Message qu'il brandissait à la fois comme un défi et un rappel.

                La vue de cette armée assoiffée de son sang n'impressionna pas al-Hussayn qui ne pensait plus qu'au moment où il rencontrerait son Seigneur. Aussi leva-t-il ses deux mains vers le Ciel et se mit-il à L'implorer:

                «Ô mon Dieu! A qui je me confie chaque fois que je subis une affliction, et en qui je mets mon espoir chaque fois que je suis dans l'adversité. Je me suis confié à Toi pour toutes les épreuves que j'ai subies. Combien de soucis - devant lesquels le coeur s'affaissait, les solutions manquaient, l'ami s'éclipsait et ennemi se réjouissait - que je T'avais confiés (parce que mon amour est dirigé vers Toi exclusivement) n'as-Tu pas dissipés? Tu es donc pour moi, le Maître de tout Bienfait, l'Auteur de toute Bienfaisance et l'Objet de tout Désir».(127)


                **************************
                A suivre
                التعديل الأخير تم بواسطة نور الزهراء 78; الساعة 14-08-2005, 01:32 PM.

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                • #9
                  La Mémorable Bataille

                  Al-Hussayn avait pris soin de protéger l'arrière de son campement par une tranchée à laquelle il avait mis le feu pour être à l'abri de toute surprise et préserver la vie des femmes et des enfants d'une agression imminente.

                  Al-Chemr en voyant ces flammes, cria à l'adresse d'al-Hussayn, sur un ton provocateur: «Ô Hussayn! Tu es pressé de voir le feu avant le Jour de la Résurrection!»

                  «Tu y as plutôt la priorité», rétorqua al-Hussayn.

                  Muslim Ibn 'Awsaja, un compagnon de ce dernier voulut lancer une flèche sur al-Chemr, mais al-Hussayn s'y opposa en lui disant: «Ne tire pas sur lui, car je n'aimerais pas commencer les hostilités moi-même».

                  Même dans ces moments on ne peut plus terribles et difficiles al-Hussayn respectait ainsi la morale islamique de la guerre.

                  Pourtant il connaissait bien al-Chemr, la haine que ce dernier lui vouait et sa soif de sang, et savait qu'il ne manquerait aucune occasion perfide pour l'assassiner.

                  Al-Hussayn entreprit l'organisation de la défense de son campement et la répartition de ses hommes à leurs postes respectifs. Il laissa le commandement du flanc droit à Zuhair Ibn Laqîn, et du celui du flanc gauche à Habib Ibu Madhâher, et resta lui-même ainsi que sa famille au milieu. Il confia l'étendard à son frère al-'Abbas.

                  Sa petite troupe comptait quelques dizaines de combattants. Elle devait faire face à une armée assaillante, forte de plus de quatre mille hommes,(128) près de leurs bases et pouvant compter sur les renforts de tout un empire. C'était donc un face à face militairement inégal. Mais que pouvaient craindre cette poignée de héros, décidés à mourir et n'ayant plus que leur martyre à offrir pour que vive la cause islamique à laquelle ils étaient indissolublement liés?!

                  Avant que la bataille ne s'engage, al-Hussayn essaya encore de raisonner les assaillants dans l'espoir d'empêcher les inconscients de participer à un crime et un péché impardonnables. Il leur rappela les milliers de messages que les leurs lui avaient envoyés pour l'inviter à venir en Irak afin de lui prêter serment d'allégeance, et défendre avec lui le Message de l'Islam. Mais ses prônes furent vains. Ses appels réitérés et pathétiques ne furent pas entendus de ces hommes épris d'argent et assoiffés de pouvoir. Un seul parmi eux eut un sursaut de conscience et vint se joindre à l'armée d'al-Hussayn. C'était al-Hor Ibn Yazid al-Riyâhi, l'un des commandants de l'armée omayyade, celui là même qui avait été chargé de guetter et d'escorter la troupe d'al-Hussayn à son entrée en Irak, quelques jours plus tôt.

                  Al-Hussayn ne désespéra pas et revint à la charge, avançant son ch************ vers l'armée omayyade. Il leva le Coran, le mit sur la tête, et il dit:

                  «Ô gens! Nous avons en commun le Livre de Dieu et la Sunna de mon grand-père, le Messager de Dieu».(129)

                  Personne ne réagit. Il ajouta: «Ne voyez-vous pas l'épée du Messager de Dieu, son habit de guerre et son turban sur moi?» «Si», répondirent-ils. Il leur dit: «Pourquoi donc vous battre contre moi?» Leur réponse fut celle d'un suiviste, d'un exécutant soumis, sans avis ni volonté: «Par obéissance à l'Émir 'Obeidullah Ibn Ziyâd».(130)

                  Las de les voir se cantonner dans leur position imbécile, il passa du prêche à la stigmatisation:

                  «Par Dieu, vous n'aurez que le temps de monter à ch************, et le moulin vous emportera et s'agitera autour de vous comme autour d'un axe. C'est une confidence que m'a faite mon père d'après une confidence que lui avait faite mon grand-père, le Messager de Dieu. Mettez-vous d'accord avec vos associés et ne vous inquiétez plus de votre affaire. Prenez ensuite une décision à mon sujet; ne me faites pas attendre!»(131)

                  «Je me suis confié à Dieu, mon Seigneur, et votre Seigneur. Il n'existe aucun être vivant qu'IL ne tienne par son toupet. Mon Seigneur est sur une Voie Droite».(132)

                  Puis s'adressant à 'Omar Ibn Sa'ad (le commandant de l'armée omayyade) qui persistait à vouloir l'abattre, il lui dit:

                  «Ô 'Omar! Tu comptes me tuer pour que celui qui prétend au califat te nomme gouverneur de Ray et Jarjan. Par Dieu, tu n'auras pas ce plaisir. Je te le promets. Fais-moi ce que tu comptes faire. Mais tu ne te réjouiras jamais après moi, ni dans ce bas-monde ni dans l'autre. Je vois ta tête suspendue à un bâton, entre les mains de gosses qui se la passent les uns aux autres à Kûfa...»(133)

                  Irrité par cette prédiction, 'Omar Ibn Sa'ad tourna les talons et s'en alla. Emporté par la colère, il appela son porte-drapeau et lui dit:

                  «Durayd! Avance ton drapeau!» Durayd, s'exécuta. 'Omar Ibn Sa'ad mit alors la flèche au milieu de son arc et tira, en s'écriant: «Attestez que je suis le premier à avoir tiré».

                  Son tir déclencha le tir nourri de tous ses hommes(134) au point que tous les combattants, du camp d'al-Hussayn furent plus ou moins atteints par des flèches.

                  Al-Hussayn cria à l'intention de ses compagnons:

                  «Préparez-vous à la mort inéluctable. Que Dieu vous couvre de Sa Miséricorde! Ces flèches sont les messagers de l'ennemi auprès de vous».(135)

                  Cet appel au sacrifice fut parfaitement entendu. Aucune défection. La cascade de flèches ne découragea personne. Vieux, jeunes, moins jeunes, tout le monde chargea et se lança contre l'ennemi. La bataille fit rage. Elle dura une heure et fit cinquante morts dans le rang d'al-Hussayn.(136) Après cette mêlée générale sanglante, quelques-uns parmi les hommes de 'Omar Ibn Sa'ad invitèrent leurs ennemis à se battre en duels.

                  Habib Ibn Madhâher, Borayr et 'Abdullah Ibn 'Omayr al-Kaîbi, parmi les compagnons d'al-Hussayn s'avancèrent et demandèrent tout de suite à celui-ci la permission de relever le défi. Al-Hussayn choisit 'Abdullah Ibn 'Omayr pour s'engager dans le duel. Le combat fut dur, difficile, sanglant, et long. Sa femme Om Wahb voyant le sang couler à flot des blessures de la main gauche de son mari, ne put supporter ce spectacle poignant, ni résister à l'envie de se lancer à son tour dans le combat. Aussi empoigna-t-elle un mât de tente pour se diriger vers le champ de bataille. Al-Hussayn, intervint et l'en empêcha en lui disant sur un ton de reconnaissance:

                  «Que vous soyez bien récompensés(137) pour la défense de la famille de votre Prophète. Mais retourne à la tente. Les femmes n'ont pas l'obligation de se battre».(138)

                  Le combat en duels successifs continua. Le reste des hommes d'al-Hussayn se défendait héroïquement et infligea à l'ennemi de grosses pertes. Aussi plusieurs voix s'élevèrent dans le rang des soldats de 'Obeidullah pour réclamer la cessation de cette forme de combat singulier qui leur coûtait cher, et demander que: «toute l'armée charge d'un seul trait, après qu'on inonde le camp adverse d'une pluie de flèches et de pierres. Cette revendication fut immédiatement suivie d'effet. Des unités de l'armée omayyade, commandées par 'Amr Ibn al-Hajjaj s'avancèrent et attaquèrent le flanc droit du camp d'al-Hussayn. Les défenseurs du camp adoptèrent une tactique astucieuse consistant à s'agenouiller et à pointer les lances vers les assaillants. Les chevaux s'affolèrent et reculèrent. Les hommes d'al-Hussayn profitèrent de ce recul et lancèrent leurs flèches sur les rangs désordonnés de l'ennemi.

                  D'autres unités ennemies, commandées cette fois-ci par Chemr Ibn Jawchan attaquèrent le flanc gauche du campement assiégé. Une bataille féroce s'engagea qui s'acheva sur un nouveau retrait des assaillants. Malgré ses blessures, 'Abdullah Ibn 'Omayr s'illustra particulièrement dans cette bataille où, épuisé par ses blessures, il fut fait prisonnier puis achevé, après avoir opposé aux ennemis une résistance indicible, parvenant à tuer dix-neuf cavaliers et onze fantassins.

                  Sa femme qui ne le quittait pas du regard durant tout le combat, se précipita vers son cadavre ensanglanté au milieu du champ de bataille et se mit à essuyer le sang qui couvrait sa tête. Pendant qu'elle était ainsi penchée sur lui, al-Chemr ne pouvant supporter son courage et son attitude de défi ordonna qu'on la tue sur le champ. L'un de ses soldats porta alors sur sa tête une barre de fer et la tua. Puis on la décapita et on jeta sa tête dans le campement d'al-Hussayn.

                  L'armée omayyade multipliait ses tentatives de pénétrer dans le campement, et accentuait sa pression. Ibn Sa'ad, le commandant de cette armée donna l'ordre de la charge finale. Les soldats s'appliquèrent à piller et à brûler les tentes. Les femmes et les enfants d'al-Hussayn et de ses hommes, se mirent à crier, terrorisés qu'ils furent par cette charge infernale. Dans ces moments où la mort imminente pouvait survenir d'un instant à l'autre, un homme pieux comme al-Hussayn, pour qui la vie et la mort ne devaient chercher leur sens que dans la satisfaction de Dieu, n'avait pour souci et préoccupation ultimes que de converser avec son Créateur, de L'implorer, de L'invoquer, alors qu'il s'apprêtait à aller à Sa rencontre.

                  C'est ce qu'il était en train de faire au moment de l'assaut final, lequel ne l'a pas empêché de terminer sa prière. Tous ses compagnons firent de même. Après la prière, le reste des compagnons de l'Imam et ses proches s'affrontèrent aux assaillants et se battirent jusqu'au dernier souffle. Ils tombèrent les uns après les autres sur le champ d'honneur: son fils, 'Ali al-Akbar, ses frères: 'Obeidullah, 'Othman, Ja'far, Mohammad; ses neveux: Abou Bakr al-Qasïm, al-Hassan al-Muthanna, 'Awn Ibn 'Abdullah Ibn Ja'far al-Tayyâr; les Âl 'Aqil: 'Abdullah Ibn Muslim Ibn 'Aqil, 'Abdul Rahmân Ibn 'Aqil, Ja'far Ibn 'Aqil, Muhammad Ibn Muslim Ibn 'Aqil, 'Abdullah Ibn 'Aqil.

                  Al-Hussayn lança un dernier appel pour qu'on protège et défende les veufs et les orphelins de la famille du Prophète, dont les cris et les gémissements le touchèrent profondément:

                  «N'y a-t-il donc personne pour défendre la famille du Messager de Dieu? N'y a-t-il pas un monothéiste qui craint Dieu pour ce qui nous arrive? N'y a-t-il personne qui nous vienne en aide par amour de Dieu?»(139)

                  Son appel pathétique n'eut pour échos que les cris des femmes et les lamentations affligeantes des enfants. Il comprit qu'il restait seul ou presque dans ce champ de bataille où planait déjà le climat lugubre de la désolation. Il sentit venir son dernier moment. Aussi avant de livrer à l'ennemi le combat final, ses sentiments paternels connurent un dernier sursaut. Il fut pris d'un désir ardent de voir son fils cadet, 'Abdullah, un nourrisson, avant de le quitter pour toujours. Il s'approcha de la porte de la tente et demanda à sa soeur Zaynab de lui apporter l'enfant pour lui faire le baiser d'adieu. Lorsque Zaynab apporta son fils, il l'étreignit et voulut l'embrasser sur ses lèvres asséchées par la soif. Mais une flèche venant du camp ennemi atteignit la gorge du bébé et lui ôta la vie.(140) Quelle pouvait être la réaction, le sentiment, d'un père qui venait de voir assassiner son fils nourrisson entre ses mains, alors que l'ennemi pointait vers lui des milliers de flèches et de lances, et que ses femmes et enfants ainsi que ceux de ses compagnons tués, gémissaient de soif? Al-Hussayn ne s'effondra pas. Il ne fut guère ébranlé dans sa détermination. Il leva calmement les mains vers le ciel, et dit:

                  «Ce qui me console de ce qui vient de lui arriver, est le fait que Dieu en est témoin».(141)

                  A ce moment-là, son frère al-'Abbas, le seul survivant du massacre dont ses hommes furent victimes, vint le rejoindre. Tous deux montèrent sur leurs chevaux et se dirigèrent vers l'Euphrate pour apporter de l'eau aux femmes et aux enfants dont la soif attisée par un soleil brûlant et une chaleur insoutenable, devenait insupportable. Mais une charge de l'ennemi les obligea à se séparer, et al-'Abbas qui était le porte-drapeau se trouva entraîné vers le camp des Omayyades où il se battit jusqu'à la mort.(142) Al-Hussayn qui continuait à se diriger vers le fleuve fut attaqué lui aussi par un autre groupe de soldats voulant l'empêcher d'arriver à son objectif. Il fut atteint d'une flèche au menton. Il l'arracha et s'adressa à Dieu:

                  «Mon Dieu! Je me plains auprès de Toi de ce qu'on est en train de faire du petit-fils de Ton Prophète».(143)

                  Cette fois, il était vraiment seul. Il regardait autour de lui, les cadavres de tous ses combattants parsemés dans le champ de bataille, gisant dans le sang, mutilés. Mais qu'importe! Il portait sur lui l'épée de son grand-père, le coeur de l'Imam 'Ali et le drapeau de la vérité. Il brandit son sabre et se précipita sur l'ennemi qui l'entourait. Et voyant à ce moment-là les soldats omayyades investir les tentes en flammes, qui n'abritaient plus que femmes et enfants, il s'écria:

                  «C'est moi qui vous combats. Les femmes n'y sont pour rien. Je vous interdis de vous en prendre à ma famille tant que je serais vivant».(144)

                  Sur ce, il chargea de nouveau. Il reçut une flèche au cou, suivie d'une pluie de coups d'épées et de lances qui finirent par mettre fin à sa résistance héroïque et désespérée mais inlassable. Si la vie terrestre et la résistance d'al-Hussayn s'arrêtèrent là, la haine de l'un des principaux participants à cette tragédie, Chemr Ibn al-Jawchan, ne semblait pas encore assouvie. D'un coup d'épée haineux, il décapita le cadavre encore chaud, et porta la tête sur une lance jusqu'à Kûfa - où elle fut l'objet d'une exposition "itinérante" - avant de l'envoyer à ses commanditaires à Damas, d'où elle fut renvoyée à Karbalâ' pour reposer aux côtés du corps décapité. Après le massacre de la famille du Prophète et de leurs proches compagnons, suivra bientôt la cérémonie de la mutilation et de la profanation de leurs cadavres.



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                  A suivre

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                  • #10
                    Les Veuves... les Orphelins et
                    la Mutilation des Cadavres


                    Le campement d'al-Hussayn fut dans un état de dévastation et de désolation terrible. Il offrait aux pilleurs et aux assassins un spectacle macabre. Partout des tentes brûlées et fumantes, des cadavres mutilés et démembrés, des femmes et des enfants assoiffés, effrayés et hébétés, des cris et des gémissements. Le corps décapité du petit-fils du Prophète gisait déchiqueté, dénudé, recouvert seulement de la poussière soulevée par la bataille, et du sang qui formait autour de lui une petite mare. Le nombre de martyrs du camp d'al-Hussayn s'élevait à soixante-dix-sept(145): soixante compagnons et dix-sept frères, cousins et neveux de l'Imam.

                    Parmi les survivants du camp il n'y avait que les femmes et les enfants, et 'Ali al-Sajjâd, fils d'al-Hussayn que la maladie avait empêché de quitter son lit.

                    Mais pour le commandement des assaillants, ce spectacle lugubre ne semblait pas suffisamment macabre pour produire l'effet voulu chez les spectateurs à qui il tenait à présenter une scène inoubliable qui leur servirait de leçon. En effet, en osant s'attaquer si ouvertement et si sauvagement au petit-fils du Prophète et à ses compagnons pieux, les Omayyades voulaient effrayer et terroriser toute la communauté musulmane et mâter chez elle toute velléité de contester un régime illégitime et usurpateur. L'ordre fut donc donné pour que les chevaux chargent de nouveau et piétinent les cadavres des martyrs et écrasent de leurs sabots les parties encore indemnes de leurs corps mutilés. On s'acharna particulièrement sur le corps d'al-Hussayn, puisque 'Omar Ibn Sa'ad ordonna à dix de ses cavaliers de passer sur son cadavre.(146)

                    Après s'être livrée à cette furie sadique et à un pillage mesquin où même les boucles d'oreilles furent arrachées des oreilles des orphelins en pleur, l'armée de mercenaires procéda à la décapitation des martyrs pour que chaque groupe participant à cette tuerie horrible, se charge de porter sur ses lances un certain nombre de têtes qu'il devrait remettre entre les mains de 'Obeidullah Ibn Ziyâd le gouverneur représentant de Yazid Ibn Mu'âwiyah - en guise d'allégeance et comme témoignage d'obéissance et de soumission. Ainsi le cortège de têtes se mit en route, laissant derrière lui les cadavres décapités des martyrs.

                    En tète du cortège Khawla Ibn Yazid al-Asbahi et Hamid Ibn Muslim al-Azdi portaient sur une longue lance la tête d'al-Hussayn. Venaient ensuite les Kindah, le groupe de Qaïs Ibn al-Ach'ath avec 13 têtes; puis les Huwâzen, le groupe de Chemr Ibn Dil Jawchan, avec 12 têtes; puis les Temim, avec 17 têtes; puis les Bani Assad avec 16 têtes; les Med-haj avec 7 têtes, les autres avec 13 têtes.(147)

                    L'armée omayyade quitta donc le champ de bataille et se dirigea vers Kûfa, avec pour principal butin de guerre les têtes des martyrs, ainsi que leurs veuves et orphelins qu'elle prit comme captifs.

                    Quant aux cadavres, ils restèrent sur place à la merci du soleil brûlant de l'été(148), durant trois jours. Après quoi, les Bani Assad qui habitaient al-Ghadhiriyya, à proximité du théâtre des événements, vinrent aux nouvelles. Voyant ce spectacle macabre, ils prièrent sur les martyrs. Ils enterrèrent al-Hussayn là où se trouve actuellement son sépulcre, et son fils à ses pieds. Un peu plus loin de là, ils mirent en terre les autres martyrs tous ensemble. Quant à al-'Abbas Ibn 'Ali, le frère d'al-Hussayn, ils l'enterrèrent là où il fut tué sur la route d'al-Ghadhiriya, un peu plus loin des autres, à l'endroit où se dresse encore le dôme de sa tombe.(149)



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                    A suivre

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                    • #11
                      Les Captifs à Kûfa

                      Le lendemain de la tuerie, soit le 11 Muharram, le cortège des captifs arriva à Kûfa dans l'après-midi; il traversa les rues de cette ville pour être conduit au Palais où l'attendait le gouverneur 'Obeidullah Ibn Ziyâd. A son arrivée les Kufites sortirent dans les rues, qui pour s'informer de l'identité des captifs, qui pour pleurer sur ces veuves et orphelins, qui pour exprimer leurs remords d'avoir abandonné ces descendants du Prophète, venus de loin sur leur invitation et par leur insistance. Dans le cortège, Zaynab, fille de 'Ali Ibn Abi Tâlib et la soeur d'al-Hussayn, jeta un regard de colère et d'indignation sur les foules rassemblées et leur fit signe de se taire. Le silence s'imposa et Zaynab s'adressa aux Kufites pour stigmatiser leur attitude traîtresse et honteuse:

                      «Louange à Dieu! Que la paix soit sur Muhammad et sur les membres bons et pieux de sa famille.

                      »O Kufites! Ô gens de traîtrise et de trahison! Vous pleurez maintenant!? Que vos larmes ne sèchent jamais et que vos cris ne se calment guère! Vous êtes "pareils à celle qui défaisait le fil de son fuseau après l'avoir solidement tordu". Car, "vous considérez vos serments comme un sujet d'injures entre vous".(150) Il n'y a parmi vous que d'arrogants vicieux et d'orgueilleux hautains. Mais en réalité vos agissements ne relèvent que des flatteries de servantes-maîtresses et des coups d'oeil d'ennemis; vous êtes, au fond, comme une prairie sur un fumier, comme un ornement d'argent sur un tombeau. Le mal que vous avez commis est si pernicieux que Dieu se courrouce contre vous; et vous demeurerez immortels dans le châtiment.(151)

                      »Vous pleurez et vous gémissez! Eh bien, par Dieu, pleurez beaucoup et riez peu! Vous n'en (de votre trahison) récolterez que la honte et le déshonneur; vous ne pourrez jamais l'effacer par un lavage. Comment pourriez-vous en effet vous laver de l'assassinat du descendant du Prophète, le Métal du Message, le Maître de la Jeunesse du Paradis, le Refuge des meilleurs d'entre vous et votre refuge dans votre malheur, le Phare de votre preuve de Dieu, et le Guide de votre Sunna. Que vous subissiez les mauvaises conséquences de vos péchés et que vous soyez bannis et écrasés. Vos efforts seront vains, vos mains périront, votre transaction conduira à une faillite, vous encourrez la Colère de Dieu, et serez condamnés à l'humiliation et à l'avilissement. Malheur à vous! O Kufites! Savez-vous quelle partie du coeur de Dieu vous avez clouée au pilori?! et quel sang du Prophète vous avez répandu?! et quel tabou du Prophète vous avez transgressé?! (...) Seriez-vous donc étonnés, si le Ciel faisait descendre une pluie de sang, et qu'une torture encore plus terrible vous attende dans l'autre monde, et que vous ne triomphiez jamais?! Méfiez-vous! Que le répit ne vous trompe! Car Dieu n'est pas pressé de punir, mais IL ne craint pas la vengeance. En vérité votre Seigneur est à l'affût».(152)

                      Entre-temps 'Obeidullah Ibn Ziyâd s'était assis dans son Palais dont les portes furent laissées ouvertes pour la réception de visiteurs et de gens venus le féliciter de la victoire qu'il venait de remporter sur les "Gens de la Maison" (Alh-ul-Bayt). Il paraissait joyeux et tenait dans sa main une barre de fer avec laquelle il tapotait la tête d'al-Hussayn, posée devant lui. Ce spectacle macabre et révoltant irrita un vieux compagnon, Zayd Ibn Arqam qui se trouvait ce jour-là au Palais. Il cria à la face de 'Obeidullah:

                      «Ecarte ta barre de ces deux lèvres, car par Dieu - en dehors Duquel il n'y a pas de dieu - j'ai vu les lèvres du Prophète s'y poser je ne sais combien de fois». Et il se mit à pleurer. Ibn Ziyâd n'apprécia guère cette remarque significative; il lui dit sur un ton de mauvaise foi:

                      «Que Dieu fasse pleurer tes yeux. Pleures-tu donc de la victoire de Dieu? Si tu n'étais pas un vieillard sénile, ayant perdu la raison, je t'aurais coupé la gorge».(153)

                      Excédé et affligé, Zayd Ibn al-Arqam quitta le lieu, les larmes aux yeux, gardant toujours dans la mémoire le souvenir de l'image du Prophète étreignant et embrassant son bien-aimé al-Hussayn, alors qu'il était enfant.

                      A peine ce noble Compagnon eut-il quitté le Palais, le cortège des captifs y arriva. On les présenta à Ibn Ziyâd, lequel s'adressa tout de suite à Zaynab sur un ton vengeur:

                      «Merci à Dieu qui vous a mis à nu, qui vous a fait tuer et qui a démenti votre histoire».(154)

                      La réponse de Zaynab ne tarda pas et fit trembler l'assistance, car elle était très révélatrice et ne ménageait guère celui à qui elle était adressée:

                      «Merci à Dieu qui nous a honorés par Son Prophète Muhammad (P) et qui a éloigné de nous la souillure.(155) Il ne fait découvrir que le débauché et ne dément que le menteur. Et ce n'est guère notre cas, mais celui d'un autre».(156)

                      - Et comment considères-tu ce que Dieu a fait des tiens? insista Ibn Ziyâd.

                      - Dieu avait décidé qu'ils meurent, et ils se sont donc dirigés vers leurs demeures. Dieu te confrontera avec eux, et là chacun de vous Lui présentera ses arguments, dont IL sera l'arbitre...»(157)

                      Ces vifs échanges de propos entre Zaynab et 'Obeidullah continuèrent pendant un bon moment et furent interrompus par la présentation de 'Ali Ibn (fils de) al-Hussayn dit al-Sajjâd (au gouverneur 'Obeidullah Ibn Ziyâd). Celui-ci lui demanda:

                      - Qui es-tu?

                      - Je suis 'Ali fils d'al-Hussayn, répondit al-Sajjâd.

                      - Mais, 'Ali Ibn al-Hussayn n'a-t-il pas été tué? s'étonna Ibn Ziyâd.

                      - J'avais un frère qui s'appelait 'Ali aussi. Les gens l'ont tué, dit al-Sajjâd.

                      - C'est plutôt Dieu qui l'a tué..., fit Ibn Ziyâd sèchement.

                      - Dieu accueille les âmes au moment de leur mort,(158) répondit al-Sajjâd.

                      L'attitude ferme et les réponses directes d'al-Sajjâd excédèrent 'Obeidullah, lequel s'écria à l'adresse des bourreaux:

                      «Egorgez-le!».

                      Là, Zaynab, la tante paternelle d'al-Sajjâd bondit, s'accrocha à son neveu et cria: «Ô Ibn Ziyâd! Tu as déjà répandu assez de notre sang... Par Dieu je ne me séparerai pas de lui (al-Sajjad). Si tu le tues, tue-moi avec lui».(159)

                      Ibn Ziyâd recula. Il quitta le salon pour la mosquée où il prononça un prône dans lequel il annonça l'assassinat d'al-Hussayn et la victoire de Yazid: «Merci à Dieu qui a mis en évidence le vrai et Ses tenants, donné la victoire au commandant des croyants, Yazid, ainsi qu'à son parti, tué le menteur(160)

                      et fils de menteur(161) et ses partisans».(162)

                      'Abdullah Ibn Afif al-Azdi(163), qui était dans l'assistance, s'indigna de ces propos blasphématoires et brisa le rideau de terreur et de peur qu'avait installé 'Obeidullah entre l'amour envers les Ahl-ul-Bayt, et leurs partisans, en s'écriant à l'adresse du Gouverneur: «Tu te permets de t'installer dans la tribune des justes après avoir osé assassiner les descendants des prophètes!!»(164)

                      Ces mots retentirent comme un tonnerre aux oreilles de 'Obeidullah qui était au zénith de l'orgueil de son poste de gouverneur, et dans l'ivresse de la victoire perfide qu'il venait de remporter. Pour sauver la face, il ne trouva rien d'autre que d'ordonner l'exécution de son contradicteur. Mais cet ordre ne put être exécuté, car il se heurta à la résistance de sept cents combattants de la tribu al-Azdi. Toutefois la tyrannie, la terreur et l'orgueil de 'Obeidullah ne lui permirent pas d'oublier l'insulte. Aussi recourut-il à la traîtrise pour faire exécuter sa volonté sanguinaire. A la tombée de la nuit, ses nervis investirent la maison d'al-Azdi, tuèrent celui-ci et le crucifièrent.

                      Sa colère vindicative ne s'arrêta pas là. Le lendemain, il exposa la tête d'al-Hussayn dans les rues de Kûfa pour étouffer dans l'oeuf toute nouvelle velléité d'opposition et de résistance à ses agissements. Après quoi, la tête d'al-Hussayn et d'autres têtes de martyrs furent expédiées en Syrie. Dans la caravane chargée de cette expédition macabre, se trouvaient les captifs, les veuves et les enfants de la famille du Prophète; ils marchaient derrière la tête d'al-Hussayn.

                      La caravane finit par arriver en Syrie, où les agents du Pouvoir omayyade avaient déjà fait leurs propagandes: «Le Calife a remporté une victoire sur un groupe de dissidents dont les captifs sont sur le point de traverser la capitale». Tout le monde sortit pour assister à la procession. Celle-ci parvint au Château de Yazid. On présenta à ce dernier la tête d'al-Hussayn. Yazid dit à al-Sajjâd, sur un ton vengeur et avec un air victorieux:

                      «Ô fils de Hussayn! Ton père a tué mes liens de parenté, ignoré mon droit, contesté mon pouvoir. Dieu lui a donc fait ce que tu as vu».

                      Al-Sajjâd répliqua sur le champ par un verset coranique:

                      «Nulle calamité n'atteint la terre ni vous-mêmes, sans que cela ne soit écrit dans un livre, avant même d'être créé. Voilà qui est facile pour Dieu!» (Coran, LVII, 22)

                      Al-Sajjâd et les autres survivants du massacre restèrent quelque temps à Damas avant de la quitter pour Médine au moment où l'on expédiait les têtes des martyrs à Karbalâ'. A Médine la nouvelle de l'assassinat d'al-Hussayn et ses compagnons, et de l'arrivée de leurs veuves et enfants plongea la population dans une tristesse et un deuil profonds, doublés d'une colère à peine retenue et en pleine gestation. La ville ne tarda pas à se soulever sous le commandement de 'Abdullah Ibn Randhalah pour manifester son refus du régime omayyade. Elle paiera cher cette révolte et son amour pour al-Hussayn ainsi que son allégeance à Ahl-ul-Bayt.

                      Il convient de se référer à ce propos à son Eminence Aboul-A'lâ al-Mawdoudi(165), l'une des plus grandes figures de l'Islam contemporain, lequel écrit:

                      «La primauté de la politique sur la religion et la transgression des lois de la Chari'a pour des considérations politiques - pratiques que Mu'âwîyah avait instituées pendant son Califat - ont porté leurs fruits les plus pourris à l'époque de son successeur (Yazid) qu'il avait choisi lui-même. En effet trois événements majeurs qui ont secoué le monde islamique tout entier se sont produits pendant le califat de Yazid:

                      1- Le premier était l'assassinat d'al-Hussayn.

                      2- Le second, la guerre d'al-Harra qui a eu lieu en l'an 63 H., vers le fin du Califat de Yazid. Les péripéties de cette guerre peuvent être résumées comme suit: les habitants de Médine ont ni par constater que Yazid était un scélérat, un libertin et un injuste. Aussi se sont-ils révoltés contre son autorité, ont démis son gouverneur à Médine, et l'ont remplacé par 'Abdullah Ibn Handhalah. Lorsque Yazid fut mis au courant de cet événement, il dépêcha à cette ville une armée de douze mille hommes, commandée par Muslim Ibn 'Oqbah (...). Cette armée a marché sur Médine et l'a reconquise. Yazid a donné ordre à ses soldats de sévir à leur guise dans cette ville, dont tous les quartiers ont été pillés pendant trois jours et dans laquelle l'armée omayyade s'est livrée à un véritable génocide. Ainsi sept mille personnes parmi la noblesse et dix mille autres parmi la population de Médine ont été massacrées. Ce qui est encore plus révoltante, c'est que cette armée barbare a transgressé impudiquement et sans hésitation l'immunité des foyers la ville et violé ses femmes. Et c'est à tel point que (selon Ibn Kathir): "MILLE FEMMES SONT TOMBÉES ENCEINTES PENDANT CES JOURS-LÀ SANS S'ÊTRE MARIÉES"».

                      Commentant avec indignation ces actes de barbarie, al-Mawdoudi, ajoute:

                      «Pis, ils (ces soldats de Yazid) se sont livrés à ces agissements, non pas dans une ville ordinaire, mais ms la cité du Messager, à propos de laquelle celui-ci a dit(166):

                      "Quiconque veut du mal à Médine, Dieu le fondra au Feu comme on fond le plomb", et "Quiconque terrifie les Médinois injustement, Dieu le terrifiera, et l'anathème de Dieu, des Anges et de tout le monde sera jeté sur lui...".

                      »C'est pour cette raison qu'Ibn Kathir justifie qu'une partie des Mujtahids musulmans ait autorisé que l'on maudisse Yazid et que l'imam Ahmad Ibn Hanbal(167) ait approuvé que l'on profère cette damnation».

                      3. Quant à la troisième grande mauvaise action commise sous le Califat de Yazid, c'était la destruction et l'incendie de la Ka'ba: «Cette même armée qui avait sévi dans la cité du Messager, attaqua après Médine, la sainte Mecque pour combattre notre Maître Abdullah Ibn al-Zubayr. Elle lança tellement de pierres sur la Sainte Ka'ba que l'un de ses murs s'est écroulé; après quoi les soldats y mirent le feu».

                      Al-Mawdoudi conclut le récit des agissements néfastes et étrangers à l'Islam de Yazid et de ses hommes par le commentaire suivant:

                      «Ces événements ont montré clairement que ces gouvernants ne se préoccupaient que de leur pouvoir et sa continuation. Pour eux, protéger et préserver ce pouvoir, passait avant tout. Aussi n'ont-ils pas hésité pour cela à transgresser toute peine prescrite, à assassiner toute loi, à violer tout tabou, fût-il le plus sacré et le plus inviolable».

                      **************************************

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                      • #12
                        La Fin

                        I - Al-Hussayn, à travers de brefs témoignages du Prophète et de quelques grandes figures du monde musulman
                        1- Al-Hussayn: un être purifié, donc Infaillible


                        Selon al-Samhûdî (et selon Anas cité par l'imam Ahmad ibn Hanbal):

                        «Le Prophète venait chaque matin à la porte de 'Alî, Fatima, al-Hassan et al-Hussayn, et tenant les deux poteaux (de la porte), il s'écriait trois fois «A la prière, à la prière, à la prière», et de réciter ce verset coranique:

                        «Ô vous les Gens de la Maison (Ahl al-Bayt): Dieu veut éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement». (Coran, 33: 33)

                        Cité par 'Abbas Mahmoud Al-'Aqqâd(168)
                        (et par Ibn Kathir)(169)
                        2- Le Prophète, al-Hussayn et le Jour de la Résurrection
                        L'Imam 'Alî, cité par l'imam Ahmad Ibn Hanbal, a raconté:

                        «Un jour le Messager de Dieu est entré chez moi, alors que je dormais (...) Fâtima, al-Hassan et al-Hussayn étaient là. Il dit alors à Fâtima: Moi, toi, ces deux-là et ce dormeur, nous occuperont ensemble une même place le Jour de la Résurrection».

                        Cité par Ibn Kathîr(170)
                        3- Le Maître de la Jeunesse du Paradis
                        Abî Sa'ïd al-Khidri, cité par l'imam Ahmad Ibn Hanbal, témoine:

                        «Le Prophète a dit: al-Hassan et al-Hussayn sont les deux Maîtres de la Jeunesse du Paradis».

                        Cité par Ibn Kathîr(171)
                        Ibn Sâbit, cité par l'imam Ahmad Ibn Hanbal, témoigne:
                        «Al-Hussayn Ibn 'Alî entra un jour dans la mosquée. Jâbir Ibn 'Abdulâh dit alors: Celui qui aimerait voir le Maître de la Jeunesse du Paradis, qu'il regarde celui-ci (al-Hussayn). C'est ce que j'ai entendu du Prophète».

                        Cité par Ibn Kathîr(172)
                        4- Le Prophète, le premier à pleurer du Martyre d'al-Hussayn
                        L'Imam 'Alî, cité par l'imam Ahmad Ibn Hanbal a raconté:

                        - Un jour, en entrant chez le Messager de Dieu, j'ai vu que ses yeux débordaient de larmes. Aussi lui demandai-je:

                        - «Qu'est ce qui ta fait pleurer, ô Messager de Dieu?»

                        - «L'Ange Gabriel, dit-il, vient de me quitter. Il m'a informé qu'al-Hussayn serait tué près de l'Euphrate. Et me demandant, "veux-tu sentir la terre où il sera tué?", il tendit sa main, ramassa une poignée de terre et la donna. Je n'ai pu alors empêcher mes yeux de déborder de larmes».

                        Cité par Ibn Kathîr(173)
                        5- Les larmes d'al-Hussayn fendaient le coeur du Prophète
                        Lorsque le Prophète entendait al-Hassan ou al-Hussayn pleurer, il disait à sa fille Fâtima:

                        «Pourquoi cet enfant pleure-t-il? Ne sais-tu pas que ses pleurs me font mal?»

                        Cité par 'Abbas Mahmoud al-'Aqqad(174)
                        6- Le Prophète et al-Hussayn: Deux Êtres d'une même Essence
                        Al-Tarmadi, citant Ya'lî Ibn Marrah, rapporte ce témoignage:

                        - Le Prophète dit: «Hussayn fait partie de moi et je fais partie de Hussayn. Dieu aime qui aime al-Hussayn. Al-Hussayn est un sain (sibt)(175) ».

                        Cité par Ibn Kathir(176)
                        7- Soutnir al-Hussayn est un devoir
                        Le père de Ach'ath Ibn Samih a dit:

                        - J'ai entendu le Messager de Dieu dire: «Mon fils - c'est-à dire al-Hussayn - sera assassiné sur un terre dénommé Karbalâ'. Quiconque l'y verra, qu'il le soutienne».

                        Cité par Ibn Kathir(177)
                        8- Al-Hussayn: crotère de la fidélité au Prophète
                        Abû Hurayrah, cité par l'imam Ahmad Ibn Hanbal, témoigne:

                        - Le Prophète (P), regardant al-Hassan, al-Hussayn et Fatima (leur mère), dit: «Je serai en guerre contre quiconque aura été en guerre contre vous et en paix avec quiconque aura été en paix avec vous».

                        Cité par Ibn Kathir(178)
                        9- Mon Dieu: aime al-Hussayn
                        Selon Ibn Ahmad:

                        - Le Prophète étreignait al-Hassan et al-Hussayn en disant: «Mon Dieu, je les aime. Aime-es donc!»

                        Cité par Ibn Kathir(179)
                        10- Aimer al-Hussayn, c'est aimer le Prophète
                        L'imam Ahmad Ibn Hanbal rapporte le témoignage suivant d'Abî Hurayrah:

                        - Le Prophète a dit: «Celui qui aime al-Hassan et al-Hussayn, m'aura aimé, et celui qui les déteste m'aura détesté».

                        Cité par Ibn Kathir(180)
                        11- Al-Hussayn et les occupants du Ciel
                        Selon al-'Izâr Ibn Harith:

                        - Un jour, alors que 'Amr Ibn al-'Aç était à l'ombre de la Ka'ba, et qu'il vit venir al-Hussay, il dit: «Voici parmi les habitants de la terre la plus aimé des habitants du Ciel».

                        Cité par Ibn Kathir(181)
                        12- Un Symbole Universel
                        C'est cette tendresse dont a fait preuve le Prophète à l'égard d'al-Hussayn, qui a élevé ce dernier au rang de ces personnages exemplaires dont les nations et les peuples font le Symbole de l'amour et de la fierté, ou celui de la douleur et du sacrifice, et qui deviennent, de ce fait, les biens-aimés de tout un chacun, l'objet de sympathie et de tendresse de tout le monde, comme si l'on était lié à eux par un lien d'amour et de parenté.

                        'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd(182)
                        13- Un Courage Inégalable
                        Il n'y a pas dans le genre humain un seul exemple de courage qui puisse équivaloir au courage de coeur dont a fait preuve l'Imam al-Hussayn à Kalbalâ'.

                        'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd(183)
                        14- Un Martyr sans égal
                        Il n'y a dans le monde aucune famille qui ait engendré autant de martyrs, aussi puissants et réputés qu'en a engendré la famille d'al-Hussayn. Rappelons simplement qu'al-Hussay est unique dans l'histoire de ce monde à avoir été à la fois martyr, fils de martyr, (frère de martyr)(184) et père d'une lignée de martyrs qui se sont succédés à travers plusieurs centaines d'années.

                        'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd(185)
                        15- Une Fierté sans égale
                        A-Hussay a acquis une fierté sans égale dans l'histoire de l'humanité, ancienne et moderne, arabe et non-arabe.

                        'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd(186)
                        16- Le Bon Droit Evident
                        Il est difficile de concevoir un conflit dans lequel le bon droit et la vertu de l'un des deux protagonistes puissent être aussi évidents et aussi incontestables que le furent le bon droit et la vertu d'al-Hussayn dans le conflit qui l'opposait à Yazid.

                        'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd(187)
                        16- Personne ne peut rester indifférent à l'assassinat d'al-Hussayn
                        Tout Musulman devrait se sentir affligé par l'assassinat d'al-Hussayn; car il fait partie des plus nobles des Musulmans et des plus savants des Compagnons, et il est le fils de la meilleure fille du Prophète. En outre, il était un serviteur pieux, courageux et sublime.

                        Ibn Kathir(188)
                        17- Un Soulèvement irréprochable
                        Nous ne connaissons pas un seul Compagnon ou Suivant qui ait dit, du vivant d'al-Hussayn ou après son assassinat, que le Soulèvement de ce dernier avait quelque chose d'illégal.

                        Aboul 'Alâ al-Mawdoudi(189)
                        18- Yazid: Commanditaire de l'assassinat d'al-Hussayn
                        - Lorsqu'on a dit à l'imam Ahmad Ibn HANBAL qu'il y avait des gens qui disaient: Nous aimons Yazid, il répondit:

                        «Mais comment peut-on aimer Yazid tout en croyant en Dieu et au Jour de la Résurrection?»

                        Cité par IBN Taymiyyeh(190)
                        19- Mu'âwiyah, père de Yazid: Tel père, tel fils
                        «La primauté de la Médine, sur la Mecque, détruisit l'un des murs de la Sainte Ka'ba et y mit le feu.

                        Aboul 'Alâ al-Mawdoudi(191)
                        20- Le Crime et le Châtiment
                        «Rares ont été ceux qui, parmi les assassins d'al-Hussayn, ont pu échapper à un funeste sort: Aussitôt se tiraient-ils d'un malheur ou d'une adversité dans ce bas-monde qu'ils tombaient malades, et la plupart d'entre eux ont été atteints de folie».

                        Ibn Kathir(192)


                        II - L'Imam al-Hussayn par lui-même

                        1- «Nous sommes le Parti de Dieu, lequel sera vainqueur,(193) et nous sommes les plus proches parents du Messager de Dieu et les membres pieux de sa famille. Nous formons l'un des Deux Poids(194) (2), ceux-là mêmes que le Prophète a placés après le Livre de Dieu...».

                        L'Imam al-Hussayn
                        2- «Dieu est content de celui dont nous sommes contents, nous les Ahl al-Bayt (la famille du Prophète)... Car nous savons patienter devant l'épreuve à laquelle IL nous soumet..., et IL nous en récompense de la récompense que méritent ceux qui savent patienter».
                        L'Imam al-Hussayn
                        3- Se rendant au tombeau du Prophète avant de quitter Médine par refus de prêter serment d'allégeance au Califat illégal de Yazid, I'Imam al-Husstiyn dit:
                        «Ô mon Dieu! ici se trouve le tombeau de Ton Prophète, et je suis le fils de la fille de Ton Prophète. TU sais ce qu'il m arrive. Ô mon Dieu! J'aime le bien et je renie le mal. Je Te demande, Ô Toi qui es plein de majesté et de munificence, par ce tombeau et celui qui y gît, de ne me faire faire que ce qui Te satisfait et satisfait Ton Prophète».

                        4- «Nous sommes la famille du Prophète, le métal du Message et le lieu de fréquentation des Anges. C'est par nous que Dieu a débuté (le Message) et c'est par nous qu'IL (l') a parachevé. Par contre, Yazid est un libertin qui ne cache pas son libertinage, un alcoolique et un assassin de l'âme(195) innocente que Dieu a interdit de tuer. Quelqu'un comme moi ne saurait donc prêter serment d'allégeance à quelqu'un comme lui».

                        L'Imam Hussayn
                        5- L'Imam al-Hussayn, lors de l'annonce de son soulèvement contre Yazid Ibn Mu'awiya:
                        «Je ne me suis pas soulevé de gaieté de coeur, ni pour une quelconque insatisfaction personnelle, ni par subversion ni injustement. Je me suis soulevé pour réformer la Umma de mon grand-père, le Messager de Dieu, pour commander le bien et interdire le mal, et pour suivre les traces de mon grand-père et de mon père...»

                        6- Rappelant aux Musulmans leur devoir de s'opposer à Yazid, l'Imam Hussayn dit:

                        «Ô gens! Le Messager de Dieu a dit: Celui qui voit un Sultan injuste qui rend légal ce que Dieu a interdit, qui transgresse le pacte qu'il a conclu devant Dieu, qui dévie la Sunna du Messager de Dieu, qui agresse les Musulmans et commet des péchés contre eux, sans qu'il s'oppose à lui (à ce sultan) ni par une parole ni par une action, Dieu lui réservera obligatoirement le même traitement qu'IL réserve à ce sultan».

                        7- L'Imam Hussayn rappelant les qualités requises pour le dirigeant Musulman:

                        «J'en jure par ma religion: L'Imam ne peut être que celui qui gouverne selon le Livre, qui établit, l'équité qui a pour religion la Religion Vraie, qui s'en tient scrupuleusement aux pre******************ions de Dieu...»

                        8- Consterné par l'attitude passive des Musulmans face à la situation corrompue sous le califat de Yazid, I'Imam Hussayn affirma à ses compagnons sa détermination de poursuivre jusqu'au bout sa Révolution:

                        «Il nous est arrivé ce que vous pouvez vous-mêmes constater. Le monde a changé, s'est renié, et le bien s'est éclipsé... Il n'en reste que quelques égouttures pareilles aux égouttures d'un verre d'eau vidé, et la vilenie, comme dans un pâturage insalubre. Ne voyez-vous donc pas qu'on néglige le vrai et qu'on ne s'interdit plus réciproquement le faux? Que le fidèle pieux s'attache à rencontrer son Seigneur en étant sur le bon chemin. Car je ne vois la mort que comme un bonheur, et la vie avec les injustes que comme une source d'ennui et de lassitude».

                        9- Al-Hussayn, arrivé sur le lieu prédit de son martyre, dit à ses compagnons:

                        «Ô mon Dieu! je me protège auprès de Toi du KARB (affliction) et du BALÂ (malheur).

                        Et d'ajouter:

                        «C'est un lieu d'affliction et de malheur. Descendez de vos montures. C'est ici le terme de notre voyage, le lieu de l'effusion de notre sang et la place de nos tombeaux. C'est ce que m'a dit mon grand-père, le Messager de Dieu».

                        10- L'Imam Hussayn, abandonné par les Kûfites et encerclé par l'armée omayyade:

                        «Ô mon Dieu! Toi à qui je me confie chaque fois que je subis une affliction, et en qui je mets mon espoir chaque fois que je suis dans l'adversité. Je me suis confié à Toi pour toutes les épreuves que j 'ai subies. Combien de soucis - devant lesquels le coeur s'affaissait, les solutions manquaient, l'ami s'éclipsait et l'ennemi se réjouissait - que je t'avais confiés (parce que mon amour est dirigé vers Toi exclusivement) n'as-Tu pas dissipés? Tu es donc pour moi, le Maître de tout bienfait, l'auteur de toute bienfaisance et l'objet de tout désir».

                        11- Préférant la mort à la soumission au pouvoir déviationniste de Yazid, l'Imam al-Hussayn s'écria au visage de ses bourreaux:

                        «Par Dieu je ne me rends pas à vous comme un humilié, ni ne me soumets comme un esclave».

                        18- «Les gens sont les esclaves de ce bas-monde. La religion n'est qu'un objet de flatterie sur leur langue. Ils la couvent tant que leurs moyens de subsistance sont assurés aisément. Mais, dès qu'ils sont soumis à l'épreuve, les vrais pratiquants se font rares».

                        L'Imam Hussayn
                        19- «La véracité est puissance, le mensonge est impuissance, la confidence est Dépôt, le voisinage est parenté, le secours est aumône, le travail est expérience, le bon caractère est culte, le silence est ornement, l'avarice est pauvreté, la générosité est richesse, la compassion est quintessence».
                        L'Imam al-Hussayn
                        20- «La raison ne se perfectionne qu'en suivant le vrai».
                        Imam al-Hussayn
                        21- «Qui t'aime, t'empêche, et qui te hait, t'allèche».
                        L'Imam al-Hussayn

                        ************************************************** *********


                        Bibliographie Sommaire

                        - Abou A'lâ al-Mawdoudi: "Al-Khilâfah wal Mulk" (Le Califat et le Royaume), 1ère éd., 1978, Dâr al-Qalam, Kuwait.

                        - 'Abbas Mahmoud al-'Aqqâd: "Al-'Abqariyyât al-Islâmiyyeh 2" (Les génies islamiques: 2), voir notamment, Chapitre: « Al-Hussayn Aboul Chuhadâ' »(AI-Hussayn, Père des Martyrs), pp. 155-288, éd., Dâr al-Kitâb al-Lubnâni, Beyrouth.

                        - Al-Cheikh al-Mufid (décédé en 412 H.): « Al-Irchâd », éd., Mu'ssasat al-A'lamî Li-l-Matbou'ât, Beyrouth.

                        - Muhammad Mahdi Chams-il-Dîn

                        1) «Thawrat al-Hussaynhuroufuhâ al-Ijtimâ'iyyeh wa Athârehâ al-Insâniyyeh » (La Révolution d'Al-Hussayn: ses circonstances sociales et ses conséquences humaines), Al-Dâr al-Islâmiyyeh, Beyrouth.

                        2) «Thawrat al-Hussayn Fi-l- Wijdân al-Châ'bî » (La Révolution d'AI-Hussayn dans la conscience populaire), Al-Dâr al-Islâmiyyeh, Beyrouth.

                        - Bint al-Châti' (Dr. 'Aicha Abdul Rahmân): « Al-Sayyeda Zaynab, Batalat Karbalâ' » (La Dame Zaynab, héroïne de Karbalâ'), Dâr al-Hilâl, Le Caire, 1966.

                        - Hassan al-Amîn: « Dâ'irat al-Ma'ârif al-Islâmiyyeh al-Chi'iyyeh », (Cercle des connaissances islamiques chutes), Tom.I (voir surtout 2ème volume), Dâr al-Ta'aruf Lil Matbou'ât, Beyrouth.

                        -Hibat al-Dîn al-Chahristâni: «Nah-dhat al-Hussayn» (Le Soulèvement d'al-Hussayn), Dâr al-Kitâb al-'Arabi, Beyrouth.

                        -Al-Hâfidh Ibn Kathîr: « Istich-hâd al-Hussayn » (Le Martyre d'Al-Hussayn).

                        suivi de:

                        - Ibn Taymiyyeh: « Ra's al-Hussayn » (La tête d'Al-Hussayn), Matba'at al-Madani, le Caire.

                        - Abi Is-hâq al-Asfarâ'înî: « Nour al-'Ayn Fi Mach-had al-Hussayn » (La lumière de l'oeil dans le lieu du martyre d'Al-Hussayn)

                        suivi de:

                        - Al-Imam Abdullah Ibn Muhammad: « Qurrat al-'Ayn Fi Akhdi Tha'r al-Hussayn », Matba'at al-Manâr, Tunis.

                        - Mohammad 'Ali 'Âbidîn: «Al-Dawâfi' al-Thatiyyeh Li Ançâr al-Hussayn (Les motivations subjectives des parti-sans d'AI-Hussayn), Dâr al-Kitâb al-Islâmi, Beyrouth.

                        - M. al-Hussayni al-Fayrouzâbâdi: « Fadhâ'il al-Khamsah Min al-Çihâh al-Sittah» (Les vertus des Cinq* dans les Six Çahih); Mu'assasat al-A'lami LjI Matbou'ât, 3ème éd., Beyrouth, 1973, (1393 R.).

                        (*) Le Prophète Muhammad, Ali IbnAbi Tâlib (cousin du Prophète), Fatima h al-Zahrâ'(fille du Prophète et femme de l'lmam Ali), AI-Hassan et AI-Hussayn (Fils de Ali et de Fatima, petits-fils du Prophète).

                        -Asad Haydar: « Ma'a al-Hussayn Fi Nah-dhatihi » (Avec Al-Hussayn dans son soulèvement), Dâr al-Ma'ârif li-l-Matbou'ât, Beyrouth.

                        Ouvrage en anglais

                        - Shaykh al-Mufid: « Kitâb al-Irchâd, The Book of Guidance», Balagha Books, London, England, 1981, 616 pages (voir notamment pp. 297-379).



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                        Notes

                        1. . Voir: Aboul-A'lâ al-Mawdoudî, "Al-Khilâfah wal Mulk" (Le Califat et le Royaume), Dâr al-Qalam, Kuwaït.

                        2. . Un surnom de la ville de Karbalâ', qui était à l'origine le lieu du martyre d'al-Hussayn, et actuellement la ville de son sépulcre et de ceux de ses compagnons. Elle est située à 170 Km au sud-ouest de Bagdad.

                        3. . La famille du Prophète

                        4. . Al-Cheikh al-Mufid, "Al-Irchâd", p. 198

                        5. . Selon certaines sources historiques, Fâtimah al-Zahrâ mit al-Hussayn au monde après six mois de grossesse seulement. Voir à cet égard: Muhib al-Dîn al-Tabari (mort en 694 H.), "Thakhâ'ir al-'Oqbâ", p. 118.

                        6. . M. D. al-Tabari, p. 124, et Ibn Kathîr: "Istich-hâd al-Hussayn" (le Martyre d'al-Hssayn), p. 138

                        7. . Le Prophète avait coutume d'appeler, par affection, ses deux petits-fils: "mes fils".

                        8. . Id. Ibid.

                        9. . Al-Tarmathî, cité par Ibn Kathîr dans "Istich-hâd al-Hussayn", op. cit. p. 139

                        10. . M. D. al-Tabari, op. cit. p. 124

                        11. . Id. Ibid., op. cit., p. 229. Ce Hadith est cité par Abou Hâtam.

                        12. . Le Prophète savait de par sa mission prophétique divine qu'al-Hussayn serait martyr. Or tout martyr en Islam est destiné au Paradis.

                        13. . Id. Ibid., p. 229

                        14. . Id. Ibid., p. 129

                        15. . C'est-à-dire, le parfum, l'aromate, le plaisir...

                        16. . Id. Ibid., p. 124

                        17. . De l'arabe "tawbah" (repentir). La révolution d'al-Tawwâbîn déclenchée contre les Omayyades, à Kûfa. Il avait pour motif principal d'exprimer le regret et le repentir de ceux qui avaient fait défection lot soulèvement d'al-Hussayn. Ceux qui l'ont déclenchée (Sulayman al-Khaz'i et al-Mucib Ibn Najbah al-Fazari) voulaient venger le sang d'al-Hussayn et ses compagnons, répandu par les Omayyades.

                        18. . Les proches du Prophète et plus précisément les Ahl- ul-Bayt, dont fait partie al-Hussayn.

                        19. . Il s'agit de l'Imam al-Hassan et de son frère l'Imam al-Hussayn.

                        20. . "Al-Khilâfah al-Rachidah"- "le Califat des quatre premiers successeurs du Prophète": Abou Bakr, 'Omar, 'Othmân, 'Ali (et provisoirement, al-Hassan)

                        21. . "Al-Khulafâ' al-Rachidien": Les quatre premiers successeurs officiels du Prophète: Abou Bakr, 'Omar Ibn al-Khattab, 'Othman Ibn 'Affân et 'Ali Ibn Abi Tâlib.

                        22. . Ibn al-Çabbâgh al-Mâliki, "Al-Fuçûl al-Muhemmah", p. 163

                        23. . Jalâl al-Dm al-Ciûti, "Târikh al-Khulafâ", p. 191

                        24. . "Umdat al-Tâlib", par Ibn a1-Muhannâ (décédé en l'an 911 hégirien), cité par Cheikh Râdhi 'Âle Yassine, "Çulh al-Hassan", p. 260

                        25. . Il s'agit de la restitution par l'Imam 'Ali des biens de la Trésorerie distribués injustement par 'Othman Ibn 'Affân à ses proches.

                        26. . Jalâl al-Dîn al-Ciûti, op. cit., p. 191

                        27. . Al-Cheikh al-Mufîd, "Al-Irchâd", op. cit., p. 191

                        28. . La famille du Prophète: L'Imam 'Ali et ses descendants.

                        29. . L'an 50 hégirien, entre les mois de Çafar et de Rabi' al-Awwal.

                        30. . D'aucuns disent que Mu'âwîyah désigna son fils pour sa succession avant même le décès de l'Imam al-Hassan.

                        31. . Voir Abou-A'lâ al-Mawdoudi, "Al-Khilâfah wal-Mulk" (Le Califat et le royaume) pp. 99-120

                        32. . Titre du Calife = Commandeur des croyants

                        33. . Al-chahâdatayn = «J'atteste qu'il n'y a de divinité que Dieu; j'atteste que Muhammad est le Messager de Dieu».

                        34. . C'est-à-dire les deux hommes qui l'ont précédé chez Mu'âwîyah, Ibn 'Omar et Ibn Abou Bakr.

                        35. . Les trois hommes qui venaient d'être présentés à Mu'âwîyah sont de la tribu de Quraich.

                        36. . Jalâl al-Din al-Ciûti, "Târikh al-Khulafâ", p. 196

                        37. . La loi islamique

                        38. . "Al-Irchâd", op. cit. p. 200

                        39. . Ibn al-Athîr, Tom. IV, p. 14

                        40. . Ibn al-Athîr, Tom. IV, p. 14

                        41. . Ib. Ibid.

                        42. . Ib. Ibid.

                        43. . Ibn al-Çabbagh al-Mâlikî, "Al-Fuçûl al-Muhimmah", p. 182.

                        44. . Allusion aux nombreux versets coraniques interdisant de tuer une âme innocente. Par exemple: «Ne tuez pas l'âme que Dieu a interdit de tuer» (Coran, XVII, 33), «Celui qui a tué un homme qui lui-même n'a pas tué (...) est considéré comme s'il avait tué tous les hommes...» (Coran, V, 32)

                        45. . Bilan positif des actions (ou avec peu de péchés)

                        46. . Ibn Tâwûs, "Maqtal al-Imam Hussayn", p. 10-11

                        47. . De: "imam"= celui qui guide, qui se met devant.

                        48. . A-Cheikh al-Mufid, op. cit. p. 204

                        49. . Voir al-Mawdoudi, op. cit. p. 11

                        50. . Voir le verset coranique déjà cité, et dans lequel, il est dit: «Ô vous, les gens de la Maison! Dieu veut seulement éloigner de vous la souillure». (Coran, XXXIII, 33)

                        51. . 'Abdullah al-Muqarram, "Maqtal al-Hussayn", pp. 140-141

                        52. . "Târikh al-Tabari", Tom. VII, p. 104, cité par Cheikh Râdhi Âl Yacîn, "Çulh al-Hassan", p. 320

                        53. . Cité par Cheikh Râdhi Âl Yacin, "Çulh al-Hassan", op. cit., p. 32

                        54. . Mu'âwîyah a assassiné Hajar Ibn 'Aday et un groupe de ses amis:

                        1) Charik Ibn Chaddâd al-Hadhrami

                        2) Cifi Ibn Chaddâd al-Hadhrami

                        3) 'Abudul Rahmân Ibn Hassan al-'Anzi

                        4) Qabiçah Ibn Rabi'ah al-'Abçi

                        5) Kaddâm Ibn Hayyân al-'Anzi

                        6) Muhriz Ibn Chihâb al-Timimi,

                        pour leur opposition à son gouvernement et leur allégeance à l'Imam 'Ali.

                        55. . Allusion à la cinquième clause du Traité de la Réconciliation de Mu'âwîyah et de l'Imam al-Hassan.

                        56. . Al-'Allama al-Majlisi, " Bihâr al-Anwâr", Tom. X, p. 149, cité par Râdhi Âle Yaçîn, op. cit., p. 338

                        57. . "Les Emigrants" sont les Musulmans qui ont émigré avec le Prophète, de la Mecque à Médine pour échapper à la persécution des polythéistes mecquois.

                        58. . Grande ville, au nord de l'Iraq

                        59. . Il voulait dire sans doute des "rémemorateurs" du Coran.

                        60. . Ibn al-'Athir, "Al-Kâmel fil Târîkh", Tom. III, p. 462

                        61. . Les compagnons des Compagnons du Prophète

                        62. . Al-Mas'oudi, "Murûj al-Dahab", Tom. III, p. 14

                        63. . Ibn al-'Athir, "Al-Kâmil Fil Târikh", Tom. IV, p. 12

                        64. . Id. Ibid., Tom. III, p. 413

                        65. . Al-Mas'oudi, "Murûj al-Dahab", Tom. III, pp. 183-184

                        66. . Aboul A'lâ al-Mawdoudi, op. cit., p. 13

                        67. . Al-Mas'oudi, "Murûj al-Dahab", Tom. III, p. 23

                        68. . Al-Kâmil, Tom. III, p. 91, éd. 1385 H.

                        69. . Al-Mas'oudi, Tom. II, p. 333

                        70. . Tabaqât Ibn Sa'ad, Tom. III, QI, p. 105, cité par Cheikh Muhammad Hussain Âl Yacîn, op., cité p. 136

                        71. . Ibn al-'Athir, op. cité Tom. II, p. 333

                        72. . Al-Mas'oudi, "Murûj al-Dahab", Tom. III, pp. 67-68

                        73. . Ibn al-'Athir, "Al-Kâmil fil Târikh", op. cit., Tom. IV, p. 16

                        74. . Voir: Aboul 'Alâ' al-Mawdoudi, op. cit., p. 99

                        75. . De son père, l'Imam 'Ali

                        76. . Ibn Tâwûs, "Maqtal al-Hussayn", p. 12

                        77. . Chaque prière en Islam comporte généralement plusieurs rak'ah (cycle)

                        78. . "Maqtal Abi Makhnaf", p 10, emprunté à Adbul Karim al-Qazwini: les documents officiels de la Révolution d'al-Hussayn, p. 45

                        79. . Ibn al-'Athir, "Al-Kâmel fil Târîkh", Tom. IV, p. 19

                        80. . Les partisans médinois qui ont accueilli le Prophète et ses compagnons lorsqu'ils ont émigré de la Mecque pour Médine.

                        81. . Al-Hussayn était le petit-fils du Prophète, mais vu l'amour que celui-ci lui vouait, on le surnommait: "Fils du Prophète, du Messager de Dieu".

                        82. . Al-Cheikh al-Mufid, "Al-Irchâd", p. 202

                        83. . L'affaire qui revient à la Ummah: le choix d'un calife

                        84. . Gouverneur de Kûfa

                        85. . Le palais du gouverneur de Kûfa (Irak)

                        86. . Ibn al-'Athir, "Al-Kamel fil Târikh", Tom. IV, p. 20

                        87. . Sur les lettres envoyés par les Irakiens à al-Russayu, voir, entre autre, Abi Ishâq al-Asfaraïnï; "Nour al-'Ayn fi Mash'had al-Hussayn", p. 17

                        88. . Al-Cheikh al-Mufid, op., cit., p. 204

                        89. . Abdul Razzâq al-Muqarram, "Maqtal al-Hussayn", pp. 141-142

                        90. . Le "vous" désigne ici les "Ahl-ul-Bayt" (les Gens de la Maison) dont al-Hussayn est membre.

                        91. . Le cousin d'al-Hussayn

                        92. Ibn Tâwûs, "Maqtal al-Hussayn", pp. 15-16

                        93. . Voir, Ibn Kathir, "Istich-hâd al-Hussayn", op. cit., p. 29

                        94. . Tels que 'Amara Ibn 'Oqbah, 'Omar Ibn Sa'ad Ibn Abi al-Waqqâç

                        95. . Al-Cheiki al-Mufid, op. cit., p. 205. Voir aussi Abi Ishaq al-Asfarâïnï, "Nour al-'Ayn fi Mach-had al-Hussayn", op. cit., pp. 20-21

                        96. . Ibn Kathîr, " Istich-hâd al-Hussayn", op. cit. p. 31; et

                        al-Cheikh al-Mufid, op. cit., p. 206

                        97. . Ibn Kathir, op. cit., p. 31 et al-Cheikh al-Mufid, op. cit.

                        98. . Id. Idem

                        99. . Id. Idem

                        100. . Id. Ibid.

                        101. . Id. Ibid., op. cit., respectivement p. 33 et p. 207

                        102. . Ibn Tâwûs, "Maqtal al-Hussayn", p.22, et Ibn Kathir, op. cit., p. 135.

                        103. . Cet événement eut lieu, le mardi 8 Dil Hijia de l'an 60 hégirien

                        104. . Ibn Kathir, " Istich-hâd al-Hussayn", op. cit., p. 35

                        105. . Ibn al-'Athir, op. cit., p. 41

                        106. . Ibn al-'Athir, "Al-Kâmel fil Târikh", Tom. IV, p. 21

                        107. . Ibn al-'Athir, op. cit., p. 38. Ici bouc est une métaphore utilisée pour signifier que du sang sera répandu dans l'Enseinte Sacrée et Invilable (La Ka'ba).

                        108. . Cette prédiction faite par l'Imam 'Ali et racontée par al-Hussayn à 'Abdullah Ibn al-Zubayr, fut bientôt réalisée. En effet, ce même 'Abdullah Ibn al-Zubayr sera contraint de se renfermer dans la Maison Sacrée (la Mecque), et celle-ci sera attaquée avec les balistes, et brûlée par l'armée de Yazid en l'an 63 hégirien. La même scène se répétera sous le régime de 'Abdul Mâlik Ibn Marwân, lorsque l'armée de Damas, commandée par al-Hajjâj Ibn Yousef al-Thaqafi assiégera Ibn al-Zubayr dans la Ka'ba et attaquera celle-ci avec des balistes. A l'issue de cette bataille, 'Abdullah Ibn al-Zubayr sera tué à la Mecque. Al-Hajjâj coupera sa tête et celle de ses hommes, et les expédiera à 'Abdul Malik Ibn Marwân. Il pendra également son corps décapité sur la sainte Qa'ba.

                        109. . C'est-à-dire: parce que c'est un lieu sacré qu'il ne faut pas profaner (par un assassinat), al-Hussayn préférait qu'on l'assassinât le plus loin possible (de ce lieu saint).

                        110. . Les Omayyades qui voulaient le forcer à prêter serment d'allégeance au calife illégal, Yazid.

                        111. . Ibn al-'Athir, op. cit. Voir ci-après le texte arabe des propos de l'Imam Hussayn.

                        *****Texte Arabe*****

                        112. . Ibn al-'Athir, op. cit., p. 40

                        113. . Dont la mère était l'éducatrice d'al-Hussayn

                        114. . En fait, ces bédouins avaient rejoint al-Hussayn dans l'espoir de partager d'éventuels butins de guerre. Voir Ibn al-'Athir, op. cit., p. 43

                        115. . Les combattants des deux armées

                        116. . Al-Hor et ses hommes étaient des Kufites mobilisés dernièrement par le pouvoir omayyade de 'Obeidullah Ibn Ziayâd. Ils étaient donc censés appartenir à ceux qui avaient invité al-Hussayn à venir incessamment à Kûfa pour les diriger.

                        117. . Al-Cbeikh al-Mufid, op. cit., p. 225. Voir ci-après les vers en arabe *****texte arabe*****

                        118. . Id. Ibid., p. 226

                        119. . Id. Ibid.

                        120. . Id. Ibid. pp. 32-33

                        121. . Ibn Tâwûs, "Maqtal al-Hussayn", p. 33

                        122. . Al-Cheikh al-Mufid, op. cit.

                        123. Ibn al-Athîr, op. cit., Tom. VI, pp. 52-53

                        124. . Al-Cheikh al-Mufid, op. cit., p. 229

                        125. . Ibn al-'Athir, "Al-Kamel fil Târîkh", Tom. IV, p. 48, éd. 1385 H.

                        126. . Al-Cheikh al-Mufid, "Al-Irchâd", p. 230

                        127. . Al-Cheikh al-Mufid, "Al-Ircbâd", p. 233, rapporté de l'Imam 'Ali Ibn al-Hussayn al-Sajjâd qui assista à la bataille de 'Âchourâ' sans pouvoir y participer en raison de sa maladie. Son fils, Muhammad al-Bâqer, âgé alors de 4 ans y assista aussi.

                        128. . Voir: Aboul A'lâ al-Mawdoudi, "Al-Khi1âfah wal-Molk", op. cit., p. 117

                        129. . Abdul Razzaq al-Muqarram. op. cit., p. 233

                        130. . Id. Ibid

                        131. .Al-Hussayn récite ici un verset coranique: X, 71

                        132. . Et un autre verset coranique: XI, 56. Voir A.R. aI-Muqarram, op. cit. Voir ci-après le texte arabe de ce discours. ****texte arabe****

                        133. . La prédiction d'aI-Hussayn ne se démentira pas. 'Omar Ibn Sa'ad n'aura que la honte et l'Enfer. Car al-Mukhtar Ibn 'Obeidah al-Thaqafi le tuera plus tard à Kûfa. Cité par Ibn al-'Athir, dans "Al-Kâmel", Tom. IV, p. 241, chapitre: "Les Evénements de l'an 66 H".

                        134. . Al-Cheikh al-Mufid, "Al-Irchâd", p. 236

                        135. . Abdul Razzâq al-Muqarram, op. cit., p. 237

                        136. . Id. Ibid.

                        137. . Elle et son mari

                        138. . A.R. al-Muqarram, op. cit., pp. 238-239

                        139. . Ibn Tâwûs, op. cit., p. 49

                        140. . La flèche fut lancée par Harmalah Ibn Kahil

                        141. . Ibn Tâwûs, "Maqtal al-Hussayn", op. cit., p. 49. Ci-après le texte arabe de cette parole d'al-Hussayn:

                        *****texte arabe******

                        142. . Al-Cheikh al-Mufid, "Al-Irchâd", op. cit., p. 240. Al-'Abbas Ibn 'Ali est le demi-frère d'al-Hussayn, du côté paternel. Sa mère est Om al-Banîn, Fatimah, fille de Hazzam al-Ka'bî

                        143. . Al-Cheikh al-Mufid, op. cit., p. 240

                        144. . Ibn Tâwûs, op. cit., p. 50

                        145. . Ibn al-Çabbâgh al-Mâliki, "Al-Fuçûl al-Muhimmah", p. 193. Voir aussi Ibni Tâwuis, "Maqtal al-Hussayn", op. cit., p. 60

                        146. . Ibn Tâwûs, op. cit., p. 56

                        147. . Il y avait en tout 78 têes. Voir Ibn Tâwûs, "Maqtal al-Hussayn", op. cit., pp.60-61

                        148. . Al-Cheikh al-Mufîd, op. cit., p. 243

                        149. . Al-Cheikh al-Mufid, "Al-Irchâd", op. cit., p. 243

                        150. . Zaynab reprend ici le contenu d'un verset coranique dans lequel Dieu condamne les agissements des gens qui ne tiennent pas leur parole: «N'imitez pas celle qui défaisait le fil de son fuseau après l'avoir solidement tordu. Ne considérez pas vos serments comme un sujet d'intrigues entre vous en estimant que telle communauté l'emportera sur telle autre». (Coran, XVI, 92)

                        151. .Allusion au verset coranique: «Tu verras un grand nombre d'entre eux s'allier avec les impies. Le mal qu'ils ont commis est si pernicieux que Dieu se courrouce contre eux: ils demeureront immortels dans le châtiment». (Coran, V, 80)

                        152. . Ci-après le texte arabe du discours de Zaynab:

                        ****texte arabe*****

                        153. .Al-Cheikh al-Mufid, "Al-Irchâd", p. 243

                        154. . Id. Ibid. p. 244

                        155. . Allusion au verset coranique concernant la famille du Prophète, les Ahl-ul-Bayt: «Certes Dieu veut éloigner de vous toute souillure et vous purifier totalement». (Coran, XXXIII, 33)

                        156. . Allusion â Yazid Ibn Mu'awiya

                        157. . Al-Cheikh al-Mufid, op. cit., p. 244

                        158. . Verset coranique, XXXIX, 42

                        159. . Al-Cheikh al-Mufid, op. cil., p. 244

                        160. . C'est-à-dire l'Imam al-Hussayn

                        161. . C'est-à-dire, son père, l'Imam 'Ali Ibn Abi Tâlib, cousin du Prophète, son successeur présomptif et légitime, et le 4ème Calife Bien-Dirigé

                        162. . Al-Cheikh al-Mufid, op. cit., p. 244

                        163. . C'était un partisan de l'Imam 'Ali et de sa famille

                        164. . Al-Cheikh al-Mufid, Id. Ibid., op. cit.

                        165. . Aboul A'lâ al-Mawdoudi, "Al-Khilafa wal-Mulk" (Le Califat et le royaume) Kuwait, Dar al-Qalam, pp. 117-121

                        166. . Selon des sources concordantes qui font autorité (citées par al-Bukhâri, Muslirn, Ahmed, al-Niçâ'ï... etc).

                        167. Selon Ibn Kathir, lorsque 'Abdullah, fils de l'imam Ahmad Ibn Hanbal demanda un jour à son père: «Est-il légal de maudire Yazid?», son père lui répondit: «Comment ne maudis-je pas celui que Dieu a maudit?», et de réciter ces versets coraniques: «Seriez-vous capables, si vous tourniez le dos, de semer la corruption sur la terre et de rompre vos liens de parenté? Voilà ceux que Dieu maudit». (Sourate Muhammad, 22-23), et d'ajouter, tout de suite: «Quelle corruption et quelle rupture de liens pourraient être plus graves que celles commises par Yazid?».

                        168. "Al-'Abqariyyât al-Islâmiyyeh -2" (Les Génies islamiques-2), p. 314, Dâr al-Kitâb al-Lubnâni, Beyrouth

                        169. "Istich-hâd al-Hussayn" (Le Martyre d'al-Hussayn), p. 138, Matba'at al-Madani, le Caire

                        170. "Istich-hâd al-Hussayn", op. cit., p. 142

                        171. "Istich-hâd al-Hussayn", op. cit., p. 140

                        172. Id. Ibid.

                        173. "Istich-hâd al-Hussayn", op. cit., p. 126

                        174. "Al-'Abqariyyât al-Islâmiyyeh -2" (Les Génies islamiques -2), chap. "Fatima al-Sahrâ", p. 315

                        175. Sibt signifie (dans le texte): ce qu'il y a de meilleur dans une nation (voir le sens détaillé de ce terme dans "Kisân al-'Arab".

                        176. "Istich-hâd al-Hussayn", op. cit., p. 139

                        177. "Istich-hâd al-Hussayn", op. cit., p. 125

                        178. "Istich-hâd al-Hussayn", op. cit., p. 138

                        179. "Istich-hâd, op. cit., p. 141

                        180. "Istich-hâd", op. cit., p. 138

                        181. "Istich-hâd", op. cit., p. 142

                        182. "Les Génies islamiques -2", op. cit., tome II, chap. "Al-Hussayn, Père des Martyres", p. 190

                        183. "Les Génies islamique -2", op. cit., p. 195

                        184. Ce détail est oublié par l'auteur et rajouté par le traducteur.

                        185. "Les Génies islamiques - 2", op. cit., p. 280

                        186. "Les Génies islamiques - 2", op. cit., p. 280

                        187. "Les Génies islamiques -2", op. cit., p. 181

                        188. "Istich-hâd", op. cit., p. 132

                        189. "Al-Khilâfa wal-Mulk" (Le Califat et le Royaume), Kuwait, Dâr al-Qalam, 1978, p. 117

                        190. "Ra's-ul-Hussayn", Cheikh al-Islam Ibn Taymiyyah, Matba'at al-Madani, le Caire, p. 179

                        191. "A1-Khilâfa wal-Mulk", op. cit., pp. 117-121

                        192. "Istich-hâd a1-Hussayn", op. cit., p. 130

                        193. Allusion au verset coranique: «Ceux qui prennent pour maîtres: Dieu, son Prophète et les croyants: voila ceux qui forment le parti de Dieu et qui seront les vainqueurs» (Coran, 5: 56)

                        194. Allusion au Hadith al-Thaqalsyn (les deux Poids) dans lequel le Prophète disait aux Musulmans: «Je vous laisse les deux Poids: Le Livre de Dieu, et mes proches parents, les membres de ma famille».

                        195. Allusion aux nombreux versets coraniques interdisant de tuer une âme innocente. Par exemple: «Ne tuez pas l'âme que Dieu a interdit de tuer». (Coran, 17: 33)

                        «Celui qui a tué un homme qui lui-même n'a pas tue (...) est considéré comme s'il avait tué tous les hommes...». (Coran, 5: 32)

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